L’ambiance oppressante de la pièce n’aidait en rien à réfléchir quant aux bonnes décisions à prendre. Luna se retrouvait partagée face à la situation, alors que cette paranoïa ne la quittait plus. D’autant plus que maintenant, les deux femmes n’étaient plus seules et si plus rien ne pouvait être fait pour les morts, il y avait bien ces deux prisonniers. Seulement ces deux-là n’avaient aucune appartenance au peuple de la Natblida qui avait alors du mal à faire la part des choses. Elle ne pouvait en aucun cas se fier à quoi que ce soit de concret, maudissant alors ce choix d’avoir suivi Naïa. Qui sait, en prenant l’autre direction, elle n’aurait pas fini dans ce lieu où la mort était présente sur chaque surface.

Pourtant, malgré cette impossibilité de faire confiance à celle avec qui elle était entrée dans la Montagne, Luna ne pouvait que reconnaître la teneur de ses arguments. Elle se souvenait de ceux qui avaient permis la prise de cette Montagne et même si elle n’avait pas sympathisé avec eux, il y avait bien ce garçon désigné comme connaissant le chemin. Devait-elle alors mettre sa méfiance de côté pour donner une chance à ce peuple d’avoir raison ? La Floukru n’avait pas le temps de peser le pour et le contre et son esprit balançait entre l’envie de trouver une issue en les laissant là, où en tentant le tout pour le tout en aidant Naïa. Un choix qui aurait des conséquences, elle le savait et dans un sens, un nouvel argument germa en la faveur de la Skaikru dans l’esprit de la Natblida. Il y avait aussi cette garde, celle qui les avait rejointes et qui étrangement n’était plus là. Elle pouvait parfaitement être la responsable de tout ce cirque et si cette hypothèse s’avérait vraie, la donne changeait.

— Très bien.

Faisant fit du bruit de porte adjacente pour ne pas se laisser de nouveau envahir par le doute, Luna parti fermer la porte sans défaire son propre système. Récupérant du métal qui traînait au sol – seul témoin de la bataille ayant eu lieu des mois plus tôt – elle chercha à en empêcher l’ouverture en bloquant la barre entre la poignée et le chambranle de porte. Une chance que celle-ci s’ouvre de l’intérieur et non l’inverse.

— Je ne suis pas sûre que ça tiendra longtemps, mais ça peut nous offrir quelques minutes. Tu vas devoir m’aider pour ouvrir ses cages.

Luna ne voulait pas lui demander de l’aide, mais avec le coup qu’elle avait pris à l’épaule, elle savait qu’elle ne pourrait le faire seule. Se saisissant d’une autre barre, elle chercha à la positionner dans l’un des cadenas pour en faire un levier, avant de la montrer à Naïa.

— Je ne peux pas le faire, sers toi du poids de ton corps pour faire sauter le verrou. Si la garde de ton peuple ou un autre ennemi entre, j’essayerais de te faire gagner du temps.

La jeune femme ne voyait guère ce qu’elle pouvait faire d’autre. Si l’un des deux prisonniers pouvait la mener dehors, elle prendrait. Seulement elle ne pouvait ignorer le fait que la menace était toujours présente et qu’elle n’avait aucune idée de l’identité de celui ou celle qui serait son adversaire, ni même de la façon dont il arriverait. Alors elle se plaça entre la plus jeune et la porte, laissant son regard aller de l’un à l’autre tout en se tenant sur ses gardes.

— Dès qu’ils sont libres, on trouve la sortie. Si c’est encore un piège, sache que tu t’en prends à la mauvaise personne.

Comme Luna ne pouvait savoir si elle avait raison d’aider Naïa, elle avait préféré user de cette mise en garde. Elle était peut-être blessée, mais elle restait celle qu’elle était. Certes, une Floukru ayant renoncé au combat, mais elle en restait aussi une ancienne Podakru, Natblida, ayant appris l’art de vaincre.

Sa décision d’aider la Skaikru avait été prise et Luna n’avait désormais plus la possibilité de reculer. Les signes d’une présence extérieurs persistaient et il fallait agir rapidement si elles avaient espoir de sortir sans plus de dommages. La Floukru ne voyait pas d’un bon œil de s’encombrer de trois personnes supplémentaires, considérant qu’elle serait plus efficace et plus rapide seule, mais une part d’elle avait malgré tout fait penché la balance.  Serait-elle capable de se sentir légitime si elle abandonnait des personnes qui pourraient se révéler plus tard comme innocentes ? Alors elle s’était laissée convaincre et apportait ses connaissances pour aider la jeune femme et les prisonniers. Elle ne pouvait peut-être pas manier la barre qui briserait les cadenas, mais elle pouvait toujours se tenir à distance et guetter le moindre mouvement de cette porte qu’elle avait bloquée auparavant. La seule sortie qu’elle voyait actuellement – s’il y en avait une autre, elle n’en avait guère connaissance – et qu’il lui fallait analyser. Car si pour le moment elle se sentait protégée par le blocage de cette dernière, elle savait aussi qu’il lui faudrait libérer l’accès pour tenter une sortie et retrouver cette fichue porte.

L’exclamation de réussite tira un instant la jeune femme de ses pensées, la faisant se tourner vers les cages où l’un des prisonniers était désormais libre. Le fameux Finn qui venait désormais en aide à Naïa, pour libérer celui qui répondait au nom de Miller. C’était un bon signe qu’ils y arrivent, car si la Natblida avait apporté l’idée, elle n’avait eu aucune certitude quant à la possibilité que cela puisse fonctionner. Luna avait pu observer la dureté et la résistance du métal de nombreuses fois sur la plateforme de son clan, mais ici, les choses étaient différentes. La Montagne était celle des démons, alors qui sait ce qu’ils utilisaient pour arriver à leur fin. Mais heureusement, cette idée pouvait rester dans son esprit alors que, rapidement, le deuxième captif fut libre et chacun allait être prêt à partir. Du moins en clopinant alors que Luna pouvait remarquer qu’elle n’était désormais plus la seule blesser.

— Sans danger, je ne le garantis pas. Je n’ai plus entendu de bruit depuis quelques minutes, mais ça peut aussi bien être un bon signe qu’un mauvais.

Un prédateur savait dissimuler ses traces et se faire suffisamment silencieux pour se faire oublier de ses proies. Mais ici, il n’était pas le seul à savoir chasser alors que la Floukru n’avait jamais oublié ses propres apprentissages.

— Garde la barre de fer avec toi, si nous sommes armées, nous aurons plus de chance de renverser la situation.

Du moins, en espérant qu’il ne manipule pas une de ses armes à feu qui se faisaient bien plus présentes depuis que les Skaikru occupaient les environs. Luna les connaissait pour leur interdiction chez les natifs et elle n'avait pas pu les apprécier même quand elles se sont avérées être utilisées par ceux qui ont aidé la Coalition.

Mais le doute ne pouvait plus entrer en jeu alors qu’il fallait agir. Et pour ça, il fallait libérer cette porte qui leur bloquait l’accès au couloir, ce que fit Luna. Gardant tout de même la barre – appliquant son propre conseil – et prête à s’en servir, elle préféra partager de dernières précautions.

— Nous ne devons pas traîner. Finn, je crois que tu étais parmi les troupes lors de la prise de cette montagne, si tu te souviens de quoi que ce soit, c’est maintenant. Et si vous voyez la moindre chose suspecte, courez.

Luna détestait l’idée de ne pas savoir ce qui l’attendait, mais elle se devait d’avoir confiance. Peut-être pas dans les Skaikru, mais au moins en elle et en ses compétences. Elle espérait pouvoir se souvenir du chemin qu’elle avait pu prendre jusque-là, pour ensuite essayer de retrouver le moindre indice pouvant les mener à la sortie. Alors elle prit les devants, décidant de mettre de côté l’idée que Naïa, Finn et Miller puissent l’attaquer dans le dos et, les doigts bien serrés sur son arme de fortune, elle avança prudemment dans ces couloirs hantés par la mort.

Il ne fallait pas traîner. Cette idée ne quittait pas l’esprit de Luna qui n’avait pas attendu à la porte pour savoir si l’ennemi allait leur tomber dessus. Elle avait exposé son plan et à moins qu’une autre idée, plus intéressante, ne puisse être proposée, c’était celui qu’elle suivrait. Un plan qu’elle espérait comme possible, bien que rien ne lui garantissait son exécution parfaite. Mais il avait le mérite de leur fixer un objectif et cet objectif permettait de mettre de côté les potentielles craintes, menaces ou autre inquiétude qui avaient pointé jusqu’alors. Et dans un sens, cela rassurait Luna, qui savait qu’elle avait désormais un handicap avec le coup qu’elle avait pris à l’épaule. Certes, cela ne l’empêcherait pas de se défendre, mais tant que Naïa ne démontrait pas de mauvaises intentions, ils seraient plusieurs et c’était un avantage considérable.

La Natblida avait pris la tête et avançait avec calme et méfiance dans ce couloir qui ne lui inspirait que dégoût et désolation. Laissant le Skaikru les guider, elle restait à l’affût du moindre mouvement pouvant trahir la présence de leur ennemi. Pendant cette avancée, Luna n’était guère bavarde, préférant écouter que parler. Elle-même essayait de s’accrocher au moindre souvenir qu’il lui restait de la bataille entre ses murs. Mais il serait présomptueux de dire que la jeune femme se souvenait parfaitement des chemins à prendre, surtout qu’elle avait été surtout en renfort, assurant les arrières lorsque cela était nécessaire. Là, elle ne pouvait que se fier à Finn qui, inconsciemment, la rassurait en les gardant dans ce qui semblait être l’artère principale de la structure. La Floukru préférait de loin cet espace dégagé que de s’enfoncer à nouveau dans des couloirs sinueux ou seuls les fantômes savaient où ils débouchaient.

Un bruit les stoppa pourtant dans leur avancée. Le claquement de la porte avait été clair et dissuadait Luna de revenir sur ses pas. Bien qu’elle avait eu la fugace idée de tenter un effet de surprise pour prendre leur adversaire à revers, elle opta pour la prudence en n’y cédant pas. Jusqu’à présent, ce monstre avait su les mener en bateau et détenait toujours Nyko et il lui était parfois difficile de ne pas céder à l’envie d’essayer de le sauver. Mais avec Finn et Sinclair retrouvé dans des cages, la prudence nécessitait d’abord de sortir pour ensuite prévenir Lexa et faire venir bien plus de guerriers. Alors Naïa avait raison, il était temps de courir et Luna n’eut pas à le confirmer. Tous semblaient d’accord avec ça et ils continuèrent donc, sous les propos rassurants du Skaikru. Ils approchaient, c’était une bonne chose… Du moins, jusqu’à ce mur, les stoppant net.

— Spichen…

Ce n’était que des débris, mais le constat ne pouvait que se faire : ils ne pouvaient pas aller plus loin. Craignant que cette mise en scène ne soit faite pour les distraire, Luna s’était retournée pour tenter de déchiffrer l’obscurité du couloir qu’ils avaient laissé derrière eux. Elle tenta d’y déchiffrer la moindre silhouette s’avérant menaçante, mais rien. Rien en dehors des propos de Finn, dont le couloir désigné happa le regard de la Floukru. L’entrée des tunnels… Elle ne les connaissait pas, étant passée par la porte principale, mais elle savait qu’ils avaient été un point stratégique importante lors de l’assaut. Et donc une sortie évidente pour leur fuite.

— Toute cette montagne est un piège. Sans les démons, les tunnels sont sans danger, et nous pourrions plus facilement sortir d’ici.

Une fois dans la forêt, Luna ne craindrait plus leur ennemi, bien au contraire. Même si Trikru n’était pas sa terre, cela restait l’extérieur, là où tout natif évoluait. Et en forêt, ça sera à eux de perdre leur poursuivant.

— Les tunnels nous donneront accès à la forêt et nous pourrons plus aisément disparaître. Sans compter les pièges que Trikru peut parfois poser, ils seront une aide pour nous.

Pour la Natblida, la décision était prise. Les tunnels seraient leur porte de sortie, ou du moins les mèneraient dans une zone dont elle aurait une meilleure maîtrise que ce foutu monument maudit. Mais Luna avait bien vu que l’idée ne réjouissait pas Naïa et même si perdre du temps ne lui plaisait pas, elle savait qu’il lui fallait rassurer la scientifique pour éviter tout problème par la suite. Elle avait décidé de lui faire confiance malgré les craintes et accusations passées, alors elle ne la laisserait pas là.

— Celui qui nous poursuit connaît ses lieux. Il aura toutes les occasions qu’il veut pour nous intercepter avant que l’on arrive à la porte. Si on prend les tunnels, nous pourrons tourner notre fuite à notre avantage, crois-moi. Que ce soit un démon d’ici ou la soldate Skaikru qui nous a rejoints, ils ne maîtrisent pas assez le terrain extérieur. Tu veux bien me faire confiance ? Tant que nous ne séparons pas, nous serons plus forts. On y va, on ne s’arrête pas, et nous ne revenons pas sur nos pas.

Il était difficile de poser une telle question alors qu’elle-même avait du mal à leur faire confiance. Mais à présent, c’était ce qui les sortirait de là et ce n’était pas le moment de céder à la panique. Sans compter que Luna avait l'impression de déceler de nouveaux bruits qui ne la rassurait pas quant à l’idée de rester là à débattre. Elle fit alors signe à Finn de les mener sur ce chemin dont il se souvenait, elle-même préférant rester non loin de Naïa. Toutes deux avaient leur barre de fer, et la Natblida allait faire au mieux pour surveiller leurs arrières. Combattre ne lui plaisait pas, mais après ce qu’ils avaient subi jusqu’à présent, elle n’avait plus le choix de faire débat avec son esprit. Leur survie devait primer et alors qu’ils étaient les proies chassées, elle devait se montrer plus rusée que leur prédateur qui ne se manifestait que par d’inquiétant bruit.

Faire confiance… Une bien étrange notion qui perdait tout sens après ces dernières heures enfermées dans ces murs. Luna s’était fait violence, allant à l’encontre de cette petite voix dans sa conscience lui disant de ne se fier à personne, pour tenter de rassurer la jeune femme. Elle ne voulait pas rester enfermée ici plus longtemps, alors le mieux était d’éviter de laisser la peur s’insinuer chez quiconque. Même si cela signifiait baisser sa méfiance temporairement. Il fallait s’allier et la Natblida fut soulagée de voir que la Skaikru obtempéra rapidement à son argumentaire. Sa plus grande crainte étant que leur ennemi invisible leur tombe dessus, Luna ne pouvait pas se permettre de s’éterniser pendant de trop longue minute. Alors quand Naïa montra son accord et que Finn indiqua la direction, la Floukru accéléra le pas. Plus vite ils seraient dehors, plus vite elle serait rassurée de se trouver en territoire connue.

Luna se laissait guider par Finn. Bien qu’elle avait dit qu’il ne fallait pas regarder en arrière, elle jetait, de temps en temps, un regard dans leur dos, s’assurant de ne pas voir d’ombre les suivre. Son bras valide ne lâchait pas prise sur la barre, malgré l’espoir de ne pas avoir à s’en servir. Maintenant qu’ils faisaient chemin commun, les craintes de la Floukru envers le peuple du ciel s’amoindrissaient. La logique prenait peu à peu le pas dans son esprit et, quand elle recollait les morceaux du puzzle, tout cela lui semblait étrange. Seulement, elle ne voulait pas non plus tirer de conclusion hâtive tant qu’ils n’étaient pas sortis. Heureusement, une porte apparut bientôt devant eux et s’ouvrit avec soulagement. Le changement de décor fut radical malgré l’obscurité et cette bouffée d’air, si caractéristiques à environnement souterraines était des plus soulageant. Enfin quelque chose qui s’avérait naturel, même si cet endroit était tout aussi maudit que les couloirs de la montagne.

Ce fut en silence que la traversée se fit. Un silence plaisant pour la Natblida, qui pouvait ainsi analyser chaque bruit perçu. Ceux habituels à tout tunnel, où l’humidité régnait et où cohabitaient diverses espèces appréciant l’obscurité. Mais ce qui était réellement plaisant, c’était de ne pas entendre le moindre son indiquant qu’ils pouvaient être suivis ou chassés. Il n’y avait que leur propre pas qui résonnait, s’accompagnant bientôt par d’autres sons qui tirèrent un sourire à la jeune femme. Des sons liés à la nature, qui provenait de devant eux. Des sons qui s’ajoutèrent bientôt à un changement de luminosité naturel des tunnels, que le groupe avait perturbé avec leur torche. La réaction de Naïa fut immédiate, et Luna ne pouvait que l’approuver. Enfin ils sortaient et enfin la menace s’éloignait. Un soupir de soulagement échappa à la Floukru qui laissa retomber quelque peu la pression, tout en laissant ses yeux s’habituer à la luminosité.

— Oui, enfin. Le danger va être moindre maintenant.

Ses paroles étaient comme une réponse au soulagement de Naïa, mais Luna allait bien vite se reprendre. Alors qu’une silhouette vint se montrer à la lumière, la Natblida chercha à réduire son éblouissement en se protégeant de son bras indemne. Une femme se tenait devant eux et rapidement la question fusa dans cette langue si propre aux natifs. Certainement seule à comprendre, Luna avait alors fait un pas en avant pour se détacher du groupe et faire face à la guerrière qui ne devait certainement pas comprendre pourquoi leur groupe sortait de là.

— I laik Luna kom Floukru e em laik kom Skaikru.

Comme si la présence de la guerrière était signe de leur libération de cet enfer, Luna ressentait la fatigue s’abattre d’un coup sur elle. Pourtant, il lui fallait faire face et rapidement éclaircir la situation.

— J’ai été envoyé pour accompagner une expédition Skaikru dans la montagne des démons, mais nous sommes tombés dans un piège. Il faut avertir Heda, un démon continue de nous frapper. Certains ont été abattus, d’autres ont disparu.

Et eux avaient été pris au piège. Par qui, la question demeurait et elle ne pouvait guère y apporter de réponse. Elle ne pouvait que penser à ceux qui n’avaient pu sortir et qu’ils avaient dû laisser derrière eux. Or, si elle y pensait, elle ne les oubliait pas non plus.

— As-tu vu Nyko ? Il était avec nous, mais nous avons été séparés. Il y avait aussi d’autres Skaikru et un Kipakru.

Bien que Luna eût pour habitude de veiller sur ceux qu’elle estimait le mériter, la pression de ces dernières heures jouait encore dans son esprit fatigué et elle pensait en priorité à son ami guérisseur. Le sort des autres lui importait moins, tant elle espérait entendre une bonne nouvelle à ce sujet. Ensuite, il lui fallait se rendre au plus vite à Polis. Rejoindre Arkadia, comme l’idée l’avait été proposé plus tôt, lui était désormais ridicule. Lexa devait être averti et la Natblida n’avait qu’une envie en parallèle : retrouver son peuple.

Luna n’avait pas perdu un instant pour faire son rapport. Que ce soit par l’urgence de la situation ou le besoin d’en finir au plus vite, elle souhaitait enfin pouvoir rentrer chez elle. Focalisée sur la guerrière native, elle s’était concentrée sur son récit, bref et succinct, cherchant elle aussi des réponses. Mais la réponse qui lui vint ne fut pas forcément celle qu’elle espérait, alors que la Floukru s’inquiétait réellement pour Nyko. Elle se maudissait intérieurement de s’être séparée de lui, alors qu’en fin de compte, peut-être qu’ils s’en seraient sorti plus facilement autrement. Mais il lui fallait l’accepter, car elle savait qu’elle ne pouvait pas retourner à l’intérieur pour le chercher. Seul l’espoir demeurait, ne remplaçant pas la culpabilité s’installant dans son esprit. À moins de retourner à l’intérieur, ce qui serait de la pure folie, elle n’aurait aucun moyen d’en savoir plus pour l’heure…

Malgré son inquiétude pour son ami, la seconde information n’avait pour autant pas échappé à la Floukru qui s’était naturellement tournée vers Naïa. Si une patrouille Skaikru avait été aperçue, peut-être était-ce les fameux « renforts » menés par Callie ? Une question que la frisée garda muette, considérant qu’elle n’était pas prioritaire pour elle. Ses pensées étaient tournées vers ce qu’elle devait désormais faire, et notamment retourner à Polis pour parler de tout cela à Lexa. Même si elle n’avait que peu d’information, n’ayant même pas l’identité de leur agresseur, les agissements de cet inconnu ne pouvaient pas rester sous silence.

— Bien.

La proposition de la guerrière était de ce qu’il y avait de plus rapide. Même si Luna n’avait que peu de contact avec Indra, elle connaissait assez la jeune femme pour savoir qu’elle n’avait en aucun cas à douter de son efficacité. C’était une bonne chose et même si elle était pressée de retourner à la capitale, pour ensuite retourner auprès des siens, son passage au village lui permettra de voir un guérisseur. Car même si elle n’en disait rien jusqu’à présent, elle n’oubliait pas leur blessure et notamment son épaule qui avait fait une mauvaise rencontre avec le chambranle d’une porte.

La voix de Naïa fit se retourner Luna. Oui, eux aussi allaient certainement devoir faire leur rapport. La Floukru se souvenait de la proposition de la jeune de passer à Arkadia. Une proposition qui fut renouvelée, mais, comme la Skaikru le disait si bien, la Natblida était désormais pressée de rentrer. D’autant que, si son esprit faisait désormais un discernement concernant ses alliées et qu’elle ne doutait plus de Naïa, elle ne pouvait s’empêcher de penser à ce qu’il s’était passé entre ces murs.

— En effet, je dois retrouver Indra pour lui faire parvenir des agissements que nous avons vécus. Nous ne savons toujours pas qui est à l’origine de tout ça. Heda doit l’apprendre.

Elle avait doucement souri, refusant poliment la demande. Un passage à Arkadia n’était plus d’actualité pour elle. Depuis que tout avait commencé à dévier du plan original, Luna ne cessait de regretter de s’être laissée embarquer là-dedans. Non pas qu’elle préférait rester en sécurité auprès des siens, mais après la catastrophe que son peuple avait vécue, il n’était pas temps de les abandonner.

— Je suis désolée que ça se soit mal passé là-dedans.

« Mal-passé », le terme restait faible pour le fiasco que ça avait été. Luna ayant désormais les idées claires, elle ne voyait pas pourquoi elle irait accuser la jeune femme d’être responsable de ce fiasco. Il y avait autre chose. Quelqu’un chose sur lequel elle n’arrivait pas à mettre le doigt, mais qui était là, tapie dans l’ombre. Un véritable danger dont il fallait se méfier, mais qu’elle ne saurait nommer. Quelques-uns de ses soupçons continuaient de se porter sur Callie, étrangement absente alors que tout avait commencé peu après son arrivée, mais elle gardait ses soupçons sous silence. L’heure n’était pas de raviver des discordes, d’autant qu’elle n’avait aucune preuve, de simples déductions hypothétiques qui nécessitaient plus de réflexion.

Naïa espérait que Nyko aille bien… Luna aussi l’espérait et elle espérait que des guerriers seraient rapidement dépêchés pour le retrouver. La jeune femme la remercia d’un hochement de tête.

— Faites attention sur le retour.

Il est vrai que cette salutation sonnait étrangement. Ce n’était pas des embrassades ni même des échanges tels que Luna avait pu connaître. Il y avait un sentiment de maladresses, comme si aucun d’eux ne savait réellement comment réagir. Après tout, quelques instants avant, les deux femmes se menaçaient et refusaient de se faire confiance. La Natblida ne put retenir un soupir face à la confusion qu’elle pouvait encore ressentir. C’était si compliqué et elle espérait que les choses allaient s’éclaircir ces prochains jours.

Quoi qu’il en soit, il lui fallait désormais prendre la même route que la guerrière, se séparant ainsi des Skaikru. L’occasion de se revoir allait certainement se présenter un jour, ces derniers vivant sur les terres Trikru, et sur l’avenir leur dirait ce qu’il adviendrait de cette histoire.