« Le monde brûle encore n'est ce pas ? » Les doigts glissant dans sa longue chevelure d'ébène, la Haute Jarl des Yujleda se laisse tomber dans un des grands fauteuils ornée de peau juchée dans la maison centrale du village qu'elle occupe et qui est depuis sa nomination devenu la capitale de Yujleda tout entier.  Un messager aux longs cheveux ternes sort de la pièce, et Ankaa adresse un regard à Milàn qui se trouvait non loin, lui faisant signe de s'asseoir à ses cotés, sur un autre fauteuil, autour de cette petite table où un pichet d'alcool lui sert à remplir deux coupes en argile.

« Des nouvelles me rapportent qu'Arkadia est tombé aux mains d'un des leurs. Un type un peu bourru du nom de Pyke. »  La lassitude dans ses propos, le regard moins malicieux que d'usuelle. Ankaa est tendue. Ankaa est fatiguée. Les guerres s'enchainent, et la paix n'est qu'une chimère qui s'éloigne peu à peu. Les recents problèmes avec Sheitan, la libération de ces gens de la station aggro. Depuis des mois, des années même, Ankaa a l'impression qu'ils ne s'arrêtent jamais. Et la tempête récente n'a pas aidée. Les dégats qu'a subi Yujleda ont été terribles aussi.

Un soupir quitte ses lèvres entrouvertes qui se referment bien vite sur la coupe lui offrant cet alcool fort et pourtant delectable. « Je crains que la coalition et l'alliance ne subisse de nouvelles guerres. » Air usé d'une femme qui l'est tout autant. Prêtresse de paix qui se sent forcée de faire la guerre. Lance divine de ses propres désirs. Ses yeux sombres se posent une nouvelle fois sur Milan.  « Et toi, que penses tu de tout ça ? »  Fidèle chef de guerre. Soutien. Protecteur. Protegé. Ankaa apprécie de Milan son caractère et ses avis.  Avis désirés ce soir, alors que l'esprit de la Haute Jarl vagabonde déja sur de nouvelles contrariétées. Inquiètudes pour les gens de son peuple, pour cet enfant qui n'est pas sien mais dont elle prend soin, pour ce skaikru qui doit être paisible quelque part dans une des auberges du village.

Un soupir, mince, presque imperceptible, alors que le guerrier dégageait l'épée accrochée dans son dos pour s'installer - se laisser tomber plutôt - sur le siège qu'Ankaa lui offrait. « S'est-il seulement arrêté à un moment donné ? » Lassitude un peu, la guerre était son quotidien pourtant, ce dans quoi il excellait, mais même les grands guerriers pouvaient aspirer à la paix, ou tout au moins à un repos bien mérité. Le traite d'Ouskejon avait été vaincu mais chaque clan y avait perdu des hommes et parmi ceux qui s'en étaient sortis tous n'étaient pas indemnes, loin de là.

Se saisissant de la choppe qui lui était tendue il n'attendit guère avant de la porter à ses lèvres, laissant les paroles de sa cheffe de clan faire leur chemin, laissant son regard errer un instant, détailler ce visage qu'il connaissait si bien au fil du temps passé à ses côtés. La fatigue se lisait sur ses traits à elle aussi, physique tout autant que mentale, les temps étaient durs pour tout le monde, plus encore pour ceux qui portaient sur leurs épaules les responsabilités d'un clan tout entier. « Ta tournure de phrase ne présage rien de bon. » Grimace, plongée dans sa mémoire, l'a-t-il déjà croisé, ce Pyke ? Il ne saurait le dire, et s'il met un point d'honneur à connaître le nom de chacun des guerriers sous ses ordres c'est beaucoup moins vrai en ce qui concerne les gens qui ne font que croiser sa route. « Peut-être Jasper pourra-t-il nous en dire davantage sur qui il est ? » Un haussement d'épaules, il ne savait jamais trop sur quel pied danser avec ce gosse qui les avait rejoint voilà plusieurs mois désormais. Le pauvre avait clairement du mal à digérer les évènements passés, mais il essayait, et il avait montré qu'il savait agir lorsque la situation l'exigeait.

« La situation est loin d'être idéale c'est sûr. Le calme chez Ouskejonkru n'est probablement que temporaire vu leur nouveau chef. Les sanctions contre eux et contre le Luwoda vont attiser les flammes de la révolte si elles ne sont pas appliquées avec la plus grande sévérité et que certains passent au travers des mailles du filet... et maintenant Skaikru ? » Un nouveau soupir accompagna une longue rasade d'alcool qui, s'il ne réglait pas tous les problèmes, avait au moins le mérite d'être savoureux. « Si tu veux mon avis, l'arrivée de ces... astraux... dont on ne sait rien, était déjà bien suffisante pour créer de nouveaux troubles au sein de la coalition. » Ce n'était un secret pour personne que Milàn n'avait aucune confiance envers ces individus qui avaient prétendument vécu plus au sud depuis Praimfaya. « Tout le reste ne fait que rajouter de l'huile sur le feu... Je n'aimerais pas être à la place de Lexa. »

«  Il y’a trés longtemps peut être. » Les mots, un échange entre les deux âmes, un rappel que rien n’est la paix et qu’elle ne sera jamais la. Un rappel que leur monde n’est que ruines et cendres et qu’il ne cessera jamais de l’être. Une douleur pour ceux qui veulent du mieux, pour ceux qui se croient encore à esperer. Ankaa est de ceux la, de ceux qui veulent croire qu’il y’aura un jour un Eden atteignable, que ce soit par les mots ou le sang. Un sang qu’elle connait et qu’elle n’hésite pas et n’hésitera jamais à faire couler. Un mal nécessaire qu’elle ressasse parfois. Un soupir qui quitte ses lèvres, un air plus désabusé que d’habitude. Une chance que cette fatigue, cette aigreur soit chassée par la teneur en alcool du liquide brulant qui vient heurter sa gorge.  

Au moins elle n’est pas seule.
Depuis que Milàn est la, les conversations sont plus agréables. Divergences d’opinions qui se sont trouvées des similitudes. 

Ankaa sourit.
Faible sourire, mais lueur au milieu de cette obscurité croissante.

« Sha. Une question a poser clairement. Des réponses qui attendront demain, qui attendront plus tard. » Des enfants perdus qu’elle a jugé bon de ramasser, des âmes errantes aux quelles Ankaa veut donner un but.  D’autres âmes comptent, alors elle fixe Milàn, attend qu’il ne boive une longue gorgée pour faire de même, et elle écoute en chef posée les paroles de cet allié, de ce conseiller qu’elle aime avoir à ses cotés.

«  Beaucoup de troubles oui, mais nous concernent ils vraiment ? » Fausse question pour sonder une réponse. Milàn sait probablement l’avis d’Ankaa sur la coalition, ce qu’elle pense de Lexa, et ce qu’elle pense aussi de l’alliance avec les skaikrus.  Et elle pense savoir qu’il partage ses opinions. A de nombreux égards. Y compris cette méfiance quant aux Astraux.  La machoire d’Ankaa se durcit un peu, son air reste sévère malgré l’alcool qui fait briller une lueur dans ses yeux. «  Je n’aimerais pas non plus. Mais si j’étais Lexa j’apprécierais d’avoir des alliés de confiance, puis-je penser que l’ensemble des Jarls soutiendront mon avis ? » Que l’ensemble des jarls soutiendrait Lexa et sa coalition.

«  Heda va devoir être dure, montrer qu’elle n’a aucune faiblesse, que les skaikrus n’en sont pas une. Executer les traitres. » Ses yeux se plissent un peu, alors qu’elle joue avec une fourure négligement posée sur le siege qu’elle occupe. «  Sha, rude vie d’un commandant n’est ce pas ? »

On pourrait presque, l'espace d'un instant, les prendre pour deux vieilles personnes en train de ressasser le passé, de vanter les mérites de ce qui n'est plus, refusant l'évolution, refusant le temps qui passe. Mais ce n'est pas tant la nostalgie que la fatigue qui parle aujourd'hui, le passé n'était pas meilleur, pas celui qui'ils ont connu l'un et l'autre, la vie a toujours était dure, les combats toujours nombreux à mener. L'ennemi a peut-être changé, mais au fond pas tant que cela, c'est peut-être l'espoir qu'ils ont à un moment nourri que la coalition puisse amener la paix qui les rend las, à moins que ce ne soit juste les muscles et l'âme qui réclament à juste titre une pause dans tout ça.

« Sha, rien d'urgent. » Un hochement de tête, demain se lèverai, comme aujourd'hui l'avait fait. « Rien qui ne réclame pour le moment davantage d'attention que cette choppe. » Un sourire se voulant un peu plus entraînant, des lèvres qui s'étirent un instant avant de reprendre finalement leur position initiale, rendant les traits plus tirés que Milàn ne le voudrait. Une question est posée néanmoins et la choppe mentionnée trouve le chemin de ses lèvres, l'alcool celui de son palai, la chaleur se répend dans sa gorge, se transmet au reste de son corps, agréable, apaisante. « J'ai bien peur que oui. » Un haussement d'épaules finalement, bien sûr ils pouvaient sûrement laissé les skaikrus gérer leurs problèmes internes... mais ces étrangers venus du ciel avaient désormais pris une place trop importante sur terre et dans la coalition pour que les remous dans leurs rangs ne se ressentent pas au-delà. La toile était trop bien tissée pour qu'un insecte quel qu'il soit puisse espérer s'y déplacer sans alerté l'entièreté de l'édifice.

« Hmm. » Ainsi cet alcool qui lui était offert n'allait pas tout à fait sans contrepartie, on attendait de lui sinon des conseils du moins un avis. Il ne s'en plaignait pas non, pas vraiment, il appréciait ces échanges, il appréciait que son opinion soit prise en considération, mais il mesurait aussi la portée que pouvait avoir une affirmation jetée trop vite. « Je ne saurais te garantir une approbation totale. La majorité me semble par contre largement accessible, je n'ai pas ressenti une défiance manifeste vis-à-vis d'Heda ou de la coalition. » Haussement d'épaules encore, et nouvelle gorgée d'alcool. « Les avis ne sont sans doute plus aussi positifs qu'ils l'ont été, et il est facile de critiquer la coalition et les décisions qui ont été prises, mais je ne pense pas que beaucoup soient près à se déclarer contre. Pas encore, pas au sein du Yujledakru en tout cas. » Il ne savait pas tout Milàn, loin de là,  mais les hommes parlaient, en marchant, au coin du feu, en polissant les armes ou en soignant les blessures à l'issue d'un combat. Les hommes parlaient et leurs mots étaient bien souvent le reflet des pensées de ceux qui les dirigeaient, ou peut-être plutôt que ces derniers se basaient sur les avis majoritaires pour se forger le leur au risque de se voir isolés.

« Ils ne lui facilitent pas la tâche c'est sûr. » Et c'est un sourire presque amusé qui passe un instant sur le visage du guerrier. Une épreuve n'attend pas l'autre pour Heda, certains combat étant sans doute plus simples à mener que d'autres.

La paix ne viendra jamais. C’est quelque chose qu’Ankaa doit graver dans son esprit. Quelque chose avec quoi elle doit vivre maintenant. La Paix est un idéal lointain et obscur qu’ils ne tendront jamais à obtenir, parce que le monde est déterminé à lancer trop d’obstacles sur les parcours de tout un chacun. Et pourtant, elle veut continuer d’y croire. Et pourtant, elle veut continuer de se battre pour celle ci. Et elle sait, que Milàn partage cet avis. Tout comme Milàn est probablement l’un de ceux qui partage le mieux son gout pour l’alcool qu’ils sont en train de boire. Un chef ne sachant pas se reposer n’est pas réellement un chef aprés tout. Un léger sourire glisse sur les lèvres de la yujleda qui lève d’ailleurs la choppe avant de boire une longue gorgée.  Alcool apaisant, rassurant. Alcool plaisant. Alcool offert dans un échange qui n’en est pas vraiment un.

Le sourire se glisse sur le visage d’Ankaa, rajeunissant ses traits de quelques années, la faisant peut être même semble plus douce qu’elle ne l’est réellement. Car Ankaa a été formée dans le sang, et s’y est formée elle même. Ankaa n’est pas à prendre à la légère, et même si le moment est agréable, même si le moment est un partage entre amis. Elle se rappellera de tout ce qui est dit.  Alors elle écoute, les mots que Milàn lache, ceux qu’il ne dit pas aussi. Elle écoute, et elle plisse les yeux à certains moments. Parce que c’est ce qu’elle craint, et ce dont elle se doutait à la fois. « Sha. »  Simple approbation de sa part, alors que la choppe enfin terminée est plongée dans le tonneau se remplissant à nouveau. Ankaa aime boire, ça n’a jamais été un secret.  Mais la passion de cet alcool n’a jamais alterée son esprit vif.  

« A nous de nous assurer que le feu de la revolte ne se propage pas dans le clan. » Grands yeux sombres se posant sur lui, le fixant longuement. Message entendu, ou du moins transmis. Ankaa fait confiance à Milàn. Tout comme elle aime avoir confiance en son clan, et savoir que celui ci partagera son avis. « A nous de leur montrer que les idées progressistes de Lexa ne sont pas dangereuses mais bien bénéfiques. » Choppe se posant sur la table à coté d’elle.   « Je tiendrais un conseil dans une semaine. Une fois que j’en saurais davantage sur cet homme qui semble menacer la paix des skaikrus. Nous verrons alors. En esperant que le monde n’ait pas brulé d’ici la. » Et puis un rire, grave mais amusé. Parce que la vie à de droles de façons de se faire depuis des années, des siècles peut être.

« Sans la coalition, le monde repartirait en flammes. Je ne sais pas pourquoi ils refusent de le voir. C’est comme si le passé ne leur avait rien appris. » Elle retombe dans son fauteuil Ankaa, attrape à nouveau sa choppe, sent l’alcool qui commence à faire son oeuvre et à detendre ses sens.

Un avis est demandé et celui-ci est donné, aussi honnête qu'il puisse l'être, sans trop s'avancer, sans faire de promesse que le guerrier ne pourra pas tenir. Il pense ce qu'il dit, il est convaincu qu'il s'agit de la vérité, que les Jarls soutiendront Ankaa, pour la majorité d'entre eux, c'est en tout cas la vérité du jour, du moment. Une vérité chancelante peut-être, un état instable, vacillant, que le moindre souffle de vent pourrait bien pousser d'un côté ou de l'autre, des braises incandescentes qu'il ne faudrait sans doute pas trop raviver au risque de les voir s'embraser.

C'est la tâche qui lui est confiée, s'assurer que rien ni personne ne vienne souffler sur ce feu, ne vienne libérer quelques flammèches, les disperser dans le clan, insidieusement. Pas la tâche la plus aisée et c'est d'un simple hochement de tête qu'il l'accepte alors que le regard de sa cheffe de clan accroche le sien un instant. Regard intense et pénétrant qu'il lui rend, confiance qu'elle lui témoigne et dont il fera tout pour être digne, pas seulement pour elle, mais pour le clan tout entier, pour son village, pour cette famille qu'il ne côtoie peut-être pas assez. Il n'y a pas vraiment besoin de mots pour qu'Ankaa sache qu'il accepte cette charge qu'elle vient de poser sur ses épaules.

« Je tâterais le terrain de mon côté d'ici là. » Guettant les regards des uns et des autres, les mots échangés à voix plus basses, ou la frustration jetée haut et fort le soir lorsque l'alcool et la fatigue délient parfois les langues. Il ne chômerait pas durant la semaine à venir Milàn, il ne chômait jamais, ses sens toujours en alerte. Il parlerait aussi, aux hommes de confiance, aux proches des Jarls acquis à leur cause, aux autres aussi peut-être, d'une manière moins directe, s'assurer que s'ils ne partagent pas tout à fait la même opinion au moins y croient-ils suffisamment pour ne pas se soulever contre Ankaa. « Je t'obtiendrais un maximum d'informations du terrain d'ici ce conseil, tu sauras à quoi t'attendre et qui reste à convaincre.  » En théorie du moins, car le guerrier n'était pas non plus politicien et certains Jarls pouvaient fort bien retourner leur veste au dernier moment sans qu'il n'est rien vu venir.

« Des fois c'est juste plus facile de se raccrocher à ce qu'on a toujours connu j'imagines. » Un haussement d'épaules, un de plus. Il n'était pas en train de leur chercher des excuses non, seulement il pouvait comprendre, d'une certaine façon. Il s'était lui-même fourvoyé par le passé, raccroché à des traditions justifiant un comportement relégué au rang de souvenir honteux aujourd'hui. « Aussi destructeur que le passé puisse être. » La violence et la guerre n'avaient jamais été pour Milàn une fin en soit, mais il y avait malgré tout cette adrénaline, ce sentiment qui ne naissait nul part ailleurs que sur un champ de bataille, quand on mettait sa vie en jeu, quand on savait que le moindre faux pas pouvait l'arracher à tout instant. Le monde en flamme n'était pas un avenir enviable non, et pourtant c'est ce qu'ils avaient connu pendant longtemps, ce qui les avait forgé. Le guerrier comprenait que certains peinent à imaginer qu'il puisse réellement en être autrement, et quand bien même il croyait en la coalition il avait lui aussi ses doutes qu'il s'efforçait de ne pas laisser interférer.

Nul ne peut diriger seul mais la solitude est aussi parfois le seul moyen de ne pas être trahi. Ambivalence des dirigeants, commandeurs, jarls, generaux, peu importe leur nom, tous subissent le même sort, la même fatalité. Ne jamais pouvoir guider un peuple sans aide, mais ne jamais savoir si cette aide finira par leur planter un couteau ou 23 dans le dos. « Sha, je te fais confiance. » Et malgré tout Ankaa sait. Elle sait qu’il y’a quand même quelques individus comme Milàn à qui elle peut accorder une confiance presque aveugle. Parce qu’ils sont deux âmes que la vie à fait se rencontrer. Parce qu’ils sont deux personnes qui n’ont pas toujours besoin de mots. Et parce qu’il est un des seuls qui elle le sait lui offrira une réponse concrète.

Un hochement de tête est la cloture de cet axe de conversation, et les flammes de la guerre passent presque dans ses yeux alors qu’ils parlent des traitres, de tout ce qui se passe avec Lexa, la coalition. Un soupir, une explication peut être. Et puis Ankaa leve son verre une fois de plus, consciente que tout ce liquide ambré ne parviendra quand même pas à étioler ses sens plus que nécessaire. « Parfois oui, mais pourquoi se raccrocher à un passé qui justement ne tend qu’à détruire ? » Un sourire est distant, un peu triste. Elle se laisse retomber dans le fauteuil rendu confortable par les peaux des animaux qu’elle a tué elle même.

« Peut être qu’un jour ils finiront par voir qu’il y’a plus important que la guerre, que la paix peut être une solution. »  Un rire aprés ça. « Mais je suis loin d’être prophète. Et c’est une conversation qui n’est guère passionante. Alors dis moi Milàn, toi, pourquoi te bas tu ? » Et peut être qu’ils ont déja eu cette conversation, peut être que c’est le genre de sujet qui revient fréquement quand les esprits sont marqués par l’alcool et la fatigue.

Il n'était pas écrit que la confiance serait un jour le lien solide de leur relation, il était loin d'être évident il y a encore quelques années seulement que le jeune guerrier fougueux et sûr de ses convictions suivrait ainsi les ordres d'une cheffe de clan, non pas parce qu'il y était forcé mais parce qu'il la respectait, qu'il croyait qu'elle était à sa place dans ce rôle, et qu'il avait lui même œuvré pour lui permettre d'y accéder. Non, rien n'était moins évident en toute honnêteté, mais le destin était joueur parfois, leurs routes s'étaient croisées au bon moment sans doute.

« Si quelqu'un le savait ce ne serait plus un problème ! » Haussement d'épaules finalement, alors que ce qui pourrait sonner comme une phrase un rien fataliste est prononcée avec un léger sourire. Il n'est pas devin Milàn, et s'il est un bon chef de guerre, il lui plait en tout cas de le penser et la réalité n'a pas l'air de trop lui donner tord, il n'est sans doute pas le plus à même de sonder le fond des pensées humaines. Oh il ne se moque pas des sentiments des gens non, il est nécessaire d'essayer de les comprendre pour correctement diriger ses hommes, pour anticiper ce qui pourrait mal se passer, pour identifier ceux qui pourraient mal agir au moment crucial, sans doute pour des raisons qu'eux-mêmes imagines parfaitement recevables. Mais soit, certains débats dépassent ses compétences, ou peut-être dépassent-elles celles de tout le monde au fond.

« Moi !? » Un sourire, plus grand, s'étire sur son visage alors qu'il se laisse un peu basculer vers l'arrière, laissant les muscles de ses épaules se détendre un peu. « Oh tu sais... probablement parce que c'est au combat que j'excelle vraiment ? » Ce n'était pas vraiment la question, il le savait, mais il y avait malgré tout une part de vérité là-dedans. Depuis tout petit il avait toujours voulu devenir guerrier, alors même que rien ne semblait vraiment l'y prédestiner. Ce n'était en tout cas pas dans les traces de son père, pécheur, qu'il avait toujours rêver de marcher. Pourtant cette idée, qui anime peut-être beaucoup de jeunes garçons, n'était jamais passée, se révélant bien davantage qu'une lubie. Et il avait travaillé dur pour arriver là où il était aujourd'hui, pour la gloire, sans doute en partie, pour son égo, pour se prouver des choses sûrement... et pour des raisons un peu plus nobles sans doute également. « Je continuerais sans doute à le faire et à en entraîner d'autres, même si nous n'avions plus d'ennemis. Un monde où les guerriers n'ont plus de travail ressemble beaucoup trop à une utopie. » Il y aurait toujours des individus qui ne rentreraient pas dans le moule, pour qui la violence serait toujours une solution, qui resteraient une menace quand bien même il ne s'agissait plus de guerres massives entre différents peuples ou clans.