Du caractère, on peut dire que tu en as. Te laisser marcher sur les pieds, impossible. Ceux qui ne te connaissent pas personnellement diront que c’est le pouvoir qui t’ait monté à la tête, ceux qui ont pris le temps de s’attacher à toi savent que c’est plus profond que ça. Un traumatisme de l’enfance qui te pousse à vouloir devenir complètement l’inverse de ta mère. Tu as un côté très impulsif lorsque ça te concerne. Tu ne calcules pas le danger, alors que pour ton peuple, tu agis à l’inverse. Pour les tiens, tu es prête à tout et tu feras passer leur bien-être avant tout le reste. Par contre, si une personne venait à s’en prendre à ta famille ou ton entourage, tu te transformerais en vraie lionne. Tu n’es pas grande et pourtant, tu en mènes large. Tu n’as jamais eu peur de confronter qui que ce soit, yeux dans les yeux. Tu ne mesures pas assez ce qui pourrait t’arriver à toi. Tu te sens comme invincible et tu as conscience que ça va te porter préjudice un jour. Tu parles fort, tu prends de la place autant que tu sais être totalement invisible lorsqu’il faut. Tu n’es pas très patiente. Tu éclates rapidement, mais tu te calmes aussi rapidement. Néanmoins, tu es rancunière et tu n’oublies jamais ce qu’on peut te dire ou te faire. Si tu peux, parfois, être un fleuve tranquille, personne ne sait vraiment quand l’ouragan peut éclater lorsque tu en veux à quelqu’un.

Pour beaucoup, c’est un don que tu as, pour toi, tu souffres d’hypermnésie. Cette faculté de ton cerveau d’enregistrer et de stocker chaque information que tu entends ou que tu vois. Tu n’oublies rien. Ta douleur serait peut-être moins difficile à vivre si tu avais la possibilité d’effacer certains souvenirs ou de les voir d’atténuer. Sauf que tu ne peux pas et tu vis avec ça ce qui te cause des problèmes de sommeil et des fortes migraines où tu dois t’isoler pendant des jours. Ton cerveau n’arrête jamais et c’est épuisant. Pourtant tu n’as jamais l’impression d’être fatiguée, heureusement que tu as tes proches pour te dire quand prendre une bonne pause. Même si tu peux être bornée voire même acharnée, tu es d’une bonne écoute. Pour ou contre, tu prends toujours le temps d’écouter et d’évaluer les conseils qu’on te donne. Si au début de ton mandat comme Astral Sirius, tu croyais avoir la science infuse, les années t’ont fait comprendre que non. Tu t’es beaucoup assagie pour ce point et tu suis davantage les recommandations que tu reçois. Par contre, le jour où tu es totalement en désaccord avec quelque chose, personne ne pourra te faire changer d’avis. Même si parfois tu peux imposer une certaine crainte et un certain respect, tu es également une personne très douce et attachante. Tu prends soin des tiens, tu es à l’écoute de chacun et tu leur accordes le temps dont ils ont besoin. Tu peux également, dans tes bons jours, avoir un côté taquin et joueur. Tu souris régulièrement dans ces temps-là et tu as un comportement qui peut contraster avec la cheffe que tu es. Bref… Tu es une femme compliquée à suivre, tantôt sévère et stricte, tantôt calme et douce, mais chaque décision que tu prends, tu la prends pour les autres.

« Je ne veux pas de cet enfant. » Une voix forte peinte d'autorité qui vint détruire le couple que tes parents avaient été. « Débrouille-toi comme tu veux, mais je ne veux pas qu’il naisse. Je n’en veux pas. » Une première puissante dispute, une première opinion totalement divergente. Une femme qui souhaitait donner la vie, un homme qui préférait n’avoir aucune responsabilité pour pouvoir continuer de boire et de prendre amantes. Malgré les disputes, malgré les bleus naissant sur le corps frêle de ta mère, tu es venue au monde. Elle a tout subi pour te donner la vie, toi petit être qu’elle aimait déjà tellement fort. Et au plus grand malheur de ton père qui aurait souhaité te faire disparaître une fois née, tu es arrivée avec un fort destin tout tracé. À peine née, tous les regards étaient braqués sur toi et une fête était organisée en ton honneur. Petit être blonde au sang foncé. Les étoiles avaient parlé, tu serais la prochaine voix de ce peuple qui était le tien. Tu étais le destin des Astraux et ça, ton paternel ne l’a jamais accepté. Comme une forme de jalousie que toi, tu sois destinée à quelque chose alors que lui… Chaque jour, il a fait regretter à ta mère d’avoir poursuivi sa grossesse. Chaque jour, tu étais témoin de cette violence du haut de tes quelques années de vie. Et tu ne comprenais rien. Le jour où tu lui as supplié d’arrêter, de laisser ta mère tranquille, il s’est énervé contre toi et il t’a frappé pour la première fois. Même si tu étais jeune, tu n’oublieras jamais la douleur ressentie. Ce fut l’unique fois. Pour ton bien et pour ta sécurité, ta mère a pris l’horrible décision de renoncer à t’élever et elle t’a confié à ta famille de signe. Tu as été accueillie à bras ouverts par cette nouvelle famille et tu as enfin commencé à découvrir le peuple qui était le tien. Lorsque tu n’étais pas avec ta famille de signe, tu passais ton temps avec l’Astral Sirius actuel. Il t’expliquait tout, te montrait tout et s’assurait de t’offrir le meilleur bagage pour la suite. Il te présentait chaque astral, il te parlait d’eux et tu enregistrais chaque information dans un coin de ton esprit. On disait que chaque Astral Sirius avait quelque chose d’unique, qui le distinguait des autres. Toi, c’est ta mémoire. Tu n’oublies rien. On n’a jamais eu besoin de te dire deux fois la même chose. On te considérait de petite éponge. Petite, car tu n’as jamais été très grande. Tu semblais fragile à côté de l’Astral Sirius actuel, mais tu en avais dedans.

« Ce n’est pas ce que je veux faire. » Un premier signe de rébellion. Une première complainte de la future dirigeante que tu étais. Jusque-là, tu avais tout écouté ce qu’on avait à te dire, tu avais tout fait. Tu connaissais chaque famille, tu connaissais l’histoire des tiens, tu connaissais le ciel. On t’avait même déjà accordé confiance au point de te faire prendre des décisions difficiles dès ton plus jeune âge et maintenant… Tu souhaitais renoncer à tout ça. « Ça ne m’intéresse pas. » On aurait pu te disputer, te demander de te taire et de suivre la voie qui t’était destinée, mais l’Astral Sirius te demanda plutôt ce que tu souhaitais faire. Une question qui pouvait sembler simple, mais qui mit des nombreux doutes dans ton esprit. Tu avais tellement d’envies et en même temps… Tu avais été élevée dans une autre optique. Celle de diriger. Est-ce que tu saurais faire autre chose ? « Je veux… être maman. » Tu ne savais pas d’où ça te venait, mais du haut de ta quinzaine d’années, c’était l’un de tes souhaits. Une main amicale glissée dans tes cheveux, on t’assura que tu allais le devenir. Chaque chose en son temps. Tu as mis de côté tes autres rêves. Ton envie d’explorer, de protéger ton peuple ou même de le guérir. Tu avais été assez intelligente pour comprendre qu’on t’offrait un faux choix, que les étoiles avaient choisi ta vocation au moment de ta naissance. Que tu allais seulement souffrir si tu souhaitais changer de chemin. Tu t’es résignée jeune, mais ne pouvant t’empêcher d'observer certains avec envie.

Ta vie a pris un autre tournant. Tu as rencontré cet homme, de quelques années ton ainé, et tu es tombée totalement sous le charme. Il était du côté des Astraux de la Paix et il t’a charmé en t’apprenant à te défendre. Techniquement, tu n’avais pas le droit à un tel enseignement, mais toutes les nuits, vous vous rejoigniez et il t’apprenait tout ce qu’il savait. Ce qu’il t’enseignait te passionnait, certes, mais sa personne entière également. C’est comme cela que tu as débuté ta première, longue et seule histoire d’amour. Un baiser échangé après un entraînement, un corps offert sous le regard des étoiles, tu es tombée amoureuse. Ta vie a changé entièrement. Tu as eu l’autorisation du ciel et tu as pu épouser cet homme qui avait capturé ton cœur. Tu es tombée enceinte de ton premier enfant rapidement après votre union. Quelques semaines plus tard, l’Astral Sirius en poste affirmait que tu étais prête à prendre ta place dans votre peuple. Tu l’as fait. La première femme Astral Sirius, tu devais marquer les choses en grand. Tu ne sais pas si c’est une colère refoulée ou les hormones de ta grossesse qui t’ont poussé à agir, mais dès le début de ton mandat, tu t’es rendue chez tes parents et tu as fait arrêter ton père. Tu es même allée plus loin, tu l’as exilé pour ses gestes et pour son comportement. Tu as également puni sa famille de signe pour avoir fermé les yeux sur la violence subite par son épouse. Tu savais que les bruits couraient. Tout le monde savait et personne ne faisait jamais rien. À partir de ce moment, tu as interdit toute forme de violence chez les Astraux sous peine de sanctions. Tu as également fait comprendre à ton peuple que la dénonciation ne serait jamais punie et qu’être de la même famille qu’une autre personne ne poussait pas à se taire et à accepter tous ses actes.

Ce changement a aidé plusieurs femmes et hommes de ton peuple, tu le savais. Et il continue d’aider aujourd’hui. Ton prédécesseur ne t’a pas reproché ton acte rapide, il t’a seulement dit d’apprendre à mieux gérer tes émotions et de t’adresser à ton peuple avec neutralité plutôt qu’avec colère. Si tu as pu l’écouter au début, tu as réalisé ensuite que les tiens voulaient une personne authentique et c’est ce que tu es devenue. Les émotions étaient importantes et tu les exprimais. Plus que jamais tu as accepté ton rôle et ta position chez les Astraux plus tu réalisais que tu pouvais apporter une vraie différence. Que tu pouvais changer les mentalités. Bien sûr, tu as toujours gardé un œil particulier sur les astraux de la paix et surtout sur ton mari que tu aimais toujours autant voir évoluer dans cette branche.

Tu as mis au monde un petit garçon, Misha. La prunelle de tes yeux, ta plus grande fierté. Tu l’as aimé dès ton premier regard sur lui, mais l’amour ne suffit pas toujours. Tu n’aurais rien pu changer, Magdalena, tu le sais très bien au fond de toi, mais tu continues de te dire continuellement que tu n’en as pas fait assez. Ton petit bébé avait tout juste un an lorsqu’il a commencé à être malade. Ce n’était pas une maladie que vous connaissiez et personne ne savait comment le soigner. Malgré sa douleur, il souriait constamment. Il avait une envie de vivre et une détermination incroyable, mais ça n’a pas suffi. Il s’est battu toute sa courte vie. Pendant près de trois ans et demi. Tu étais à quelques semaines d’accoucher de ton second enfant lorsqu’une douleur sans nom t’a traversé. Tu ne pourras jamais mettre de mots assez forts sur ce que tu as ressenti et sur ce que tu ressens toujours aujourd’hui. Misha a rejoint le ciel et tu en as longtemps voulu aux étoiles pour ça. Ce surplus d’émotions chez toi a provoqué la naissance d’Astria plus tôt que prévu. L’idée de la perdre également t’a effrayé les premiers jours après sa naissance. Elle était tellement petite, tellement frêle, mais elle a su tenir le coup. Tu n’as pas réussi à t’attacher tout de suite à cette petite. Pas par manque d’amour, ça non, mais tu avais peur de la perdre à son tour. Tu ne pourrais survivre une seconde fois à cette douleur. Personne n’a jamais voulu mettre de mots sur ce que tu traversais, mais tu as vécu une grosse dépression. Pendant ses premiers mois de vie, Astria a passé beaucoup plus de temps avec son père tandis que toi, tu n’osais pas la regarder, tu ne voulais pas t’attacher. Mais ce fut plus fort que toi. Elle était ta petite fille, ton petit trésor alors tu t’es laissée doucement entrainer à travers son profond regard et ses sourires. La peur est restée longtemps, certes, mais elle a fini par s’envoler pour te permettre de reprendre ton rôle auprès de cette enfant qui était la tienne. Tu as même donné la vie peu après et cette fois, tu peux l’affirmer, tout s’est bien passé. Malgré les quelques tensions et les quelques difficultés que peuvent subvenir dans votre famille, vous êtes unis et vous vous aimez très fort.

Contrairement à ton mari et toi, vos enfants n’ont pas eu la chance de connaître la longue vie tranquille. L’Équateur est sûrement un vague souvenir dans l’esprit de tes filles qu’elles ont pu connaître quelques années avant qu’une tempête ne vous pousse à partir. Vous aviez surmonté des intempéries avant, vous aviez dû vous reconstruire, mais cette fois, c’était différent. Mère nature s’était déchaînée comme jamais. Cette décision a été la plus difficile à prendre pour toi. Tu te souviens de tous les regards qui se sont baissés lorsque tu as annoncé à ton peuple que vous deviez partir pour ne jamais revenir. Ils ont eu 24 heures pour rassembler un maximum de prévisions et de biens et vous étiez partis. Les quinze dernières années n’ont rien eu de reposante pour les Astraux. Plusieurs fois, tu t’es demandée si le ciel n’était pas en colère contre vous pour s’acharner autant. La tranquillité, vous arrivez à l’obtenir que quelques années seulement. Vous avez à peine le temps de vous reconstruire, de trouver un nouveau chez vous que vous devez repartir. C’est très difficile. Vous avez dû vous adapter à cette vie de nomade que vous ne voulez pas. Il est difficile pour votre peuple de parler de « maison » et de chez soi. La tempête vous pousse de plus en plus loin et que tu crains qu’un jour, ce soit fini. Que vous n’ayez plus d’endroit où aller. À une époque, vous avez pensé à vous établir sous terre, mais tu as toujours douté du fonctionnement de cette méthode. Alors vous continuez de bouger. Vous arrivez de mieux en mieux à vous adapter à vos nouvelles terres et à vous reconstruire rapidement. Vos protocoles sont maintenant efficaces et vous pouvez quitter un endroit aussi vite que vous êtes arrivés. Même avec un groupe aussi nombreux que le vôtre. Chaque personne a son rôle et son importance. Ça fonctionne. La dernière tempête qui a eu raison de vous, t’as fait prendre une grande décision. Tu as énormément perdu lors de cette tempête. L’homme qui partageait ta vie depuis si longtemps a disparu. Les discours sont différents. Certains l’ont vu se diriger vers la forêt, d’autres aller aider quelqu’un près de l’eau… Impossible de savoir ce qui s’est passé et surtout où il est passé. Vous avez ratissé la zone autant que vous pouviez avant d’être contraint à partir. Ton mari n’est pas la seule personne qui vous avez perdu ce jour-là et tu t’en veux encore chaque jour. Certains vivent avec l’espoir qu’ils vont revenir, toi, tu sais que c’est fini. Que ces personnes n’ont pas survécu et c’est d’autant plus difficile à accepter. La meilleure façon pour toi de faire ton deuil était de partir le plus loin possible. De vous installer dans une zone opposée à vos habitudes. Ça ne serait pas simple de marcher aussi longtemps, vous le saviez, mais pendant près de 300 cycles d’étoiles, vous avez marché à la recherche d’un nouvel endroit, l’endroit parfait. Celui que tu voulais voir devenir votre nouveau et vrai chez vous. Avoir su ce qui vous attendait, tu aurais peut-être pris une autre direction, mais le Ciel vous a guidé vers ce nouvel endroit, après une tempête dévastatrice. Les dégâts sont nombreux sur les nouvelles terres choisies, mais vous avez l’habitude. Vous allez savoir gérer ça et vous saurez vous reconstruire. Comme à chaque fois. Si le Ciel te laisse tranquille... Si cette prophétie qui annonce une menace sur ta personne et sur ton peuple s'avère fausse. Pour l'instant, tu concentres ton énergie sur les tiens en balayant du revers de la main ton propre état, de cette ombre noire qui prend place en toi, qui t'affaiblie jour après jour.