Elle est tombée de bien haut, la petite Costia.

La nuit avait été épaisse et obscure, lorsqu’elle avait chevauché avec Roan vers ces terres où elle était née, et elle avait peur, la petite Costia.
Elle en voulait au prince, à son meilleur ami, de l’avoir arraché à son aimée, elle n’avait pas le recul pour voir qu’il n’avait été que le messager, la petite Costia.
Quelle grande déception elle a été, la petite Costia.

Que de plus grande déception lorsqu’auparavant elle s’était montrée la plus fiable des espionnes des terres de Glaces. Mais elle a commis une erreur la petite Costia, elle est tombée amoureuse.

Qui aurait pu le prévoir, qui dans toute ce plan fomenté par une reine hostile, aurait pu se douter que la fille aux cheveux d’argent tomberait tant amoureuse, elle qui avait grandit dans la violence, et dans l’optique de tuer. Le cerveau lavé par une haine et un égo démesuré. C’était ça sa mission, à la petite Costia, mais comment aurait-elle pu planter une lame dans le cœur de celle qui avait gagné le sien.

Elle n’avait rien pu dire à son Aimée, la petite Costia. Comment aurait-elle pu affronter ce regard alors si doux se changer ? Comment aurait pu-t-elle avouer la première raison de son arrivée ici ? Comment aurait-elle pu dire à son Aimée que tout n’avait été que mensonge, et lui faire accepter que son amour lui fût véritable ?

Et dire qu’auparavant elle en avait du cran, la petite Costia. Rien ne pouvait l’arrêter, et elle s’était faite une armure autour d’elle, impénétrable, imperméable à toute chose. Mais ça c’était avant. Parce qu’avec Elle, la petite Costia avait retrouvé son humanité, et tout ce qui allait avec.

La nuit avançait, Costia ne voyait pas les étoiles. Elle avait logé sa tête contre le dos Roan, et en silence, elle avait laissé sa peur et sa souffrance humidifier ses joues. Mais maintenant que le froid devenait glacial, elle devait reprendre le contrôle, la petite Costia. Le palais face à elle semblait avoir tant changé. Énorme, imposant, elle était acculée, la petite Costia, face à son impressionnante oppression. Comment allait elle réagir, son Aimée là-bas dans la grande tour, quand elle se réveillerait au matin ?

Pas de répit pour ceux qui avaient failli. Elle fut envoyée devant la reine, la petite Costia, qui avait écouté, le cœur ralenti mais aussi lourd qu’une roche. Elle avait écouté sans mot dire, tout le venin de la Reine qu’elle crachait envers elle et l’échec qu’elle était. Quelle incapable elle avait été, la petite Costia, qui avait eu une mission pourtant simple.

La terre s’était fissurée sous ses pieds et elle se sentait déjà tomber au fond, lorsqu’elle vit une silhouette qu’elle connaissait, et que la Reine apporta face à elle son sang et sa chair. Devant ses yeux rougis et gonflés, la petite Costia vi sa sœur se faire couper la tête. Punition clémente aux yeux de la Reine, pour sanctionner ce manque d’efficacité, cette déception que la petite Costia était. Une perte de temps, rien de plus aux yeux de la Reine, mais la petite Costia elle se sentait tomber dans le vide.

On l’interdit de rentrer chez elle, et elle ne revit jamais son père. La petite Costia, qui n’avait pas grand-chose, avait perdu tout le reste. Pas prisonnière, mais mise à l’écart, au rebut comme un objet que défectueux que l’on n’utilise plus à défaut de le jeter.  Elle n’était plus rien, la petite Costia. Son Aimée s’était réveillée avec la tête de sa sœur au pied de son lit, et l’avait pris pour elle, et la petite Costia s’était senti déchirée, lentement, cruellement. Elle avait pris soin de le lui dire, cette Reine qui autrefois avait tout le respect et le dévouement de la jeune femme aux cheveux d’argents. Tous les détails qu’elle n’aurait jamais voulu connaitre. A quel point la tête de sa sœur avait été défigurée, jusqu’à ce qu’on ne fasse plus la différence, le soin qui avait été mis dans l’exécution de son père.

Alors la petite Costia déambulait dans le palais, dans les rares couloirs qu’elle avait désormais le droit d’arpenter, à défaut de pouvoir en sortir. Une âme en peine, une coquille vide, il n’y avait plus grand-chose en elle, qu’un tourbillon de pensées et d’humeurs négatives.

Alors petit à petit, une rancœur âcre crû en elle. Des pensées obscures, qui ternissaient son regard. Il n’y avait que deux fautifs dans sa chute. Cet être cruel, qu’elle avait vu comme un modèle, comme une force sur terre, cette Reine qui n’avait vu en elle qu’un outil de plus pour ses propres désirs. Comment avait-elle pu être aussi Naïve, la petite Costia ?

Et son fils, empoisonné du même sang, qu’elle avait vu comme un meilleur ami, celui-là même qui était venu l’arracher à son Aimée, lui promettre de retrouver une famille sauve si elle rentrait, pour la mettre face au corps sans tête de sa sœur à son arrivée. Comment avait-elle pu être aussi Naïve, la petite Costia ?

Et maintenant, son Aimée la pensait morte, et plus jamais elle ne pourrait lui faire face, et Costia n’arrivait pas à faire le deuil de cette relation qui la dévorait de l’intérieur. Son âme, son essence, sa raison d’être étaient tous resté là-bas, dans la grande Tour où Elle logeait. Et la petite Costia n’aspirait plus qu’à s’ôter le peu de vie qui lui restait, mais même ce luxe-là, Nia l’en avait privé. Constamment elle était surveillée, condamnée à vivre de sa souffrance et de ses erreurs. Plusieurs fois Costia avait tenté déjà, Depuis ces semaines qui défilaient aussi lentement qu’une torture, depuis cette nuit où Roan l’avait ramené à Azgeda.

Comment pouvait-elle faire, la petite Costia, pour s’échapper des griffes invisibles et puissantes de sa geôlière, qui sans jamais lui montrer son visage, s’assurait de toujours savoir ce qu’elle faisait, guettée comme une proie par la vipère de Glace.
Alors à nouveau, elle arpentait un couloir qu’elle ne voyait plus à force, perdue dans ses pensées obscures, à tel point que tout autour d’elle semblait ne pas exister, comme cette fille qui s’approchait, que la Petite Costia ne vit même pas avant de lui rentrer dedans.

Cela faisait quelques jours à peine que la petite fille avait été trouvée et ramenée au palais. Là-bas, elle avait fait la connaissance d’une Reine, c’était comme ça qu’on l’avait appelé, Reine Nia. La petite fille avait de vagues souvenirs qui remontaient quand on lui avait mentionné ce nom.  Ses parents probablement avaient déjà pris le temps de lui apprendre ce genre de chose, que Nia dirigeait le peuple des glaces. Ontari avait eu des étoiles dans les yeux quand elle s’était retrouvée face à elle.

L’ado n’avait pas bien saisi pourquoi elle avait été emmenée au palais, ni même pourquoi elle n’avait plus le droit de voir ses parents. Personne ne lui disait à rien à leur sujet, et si elle avait été un peu plus mature, elle aurait certainement compris qu’ils s’étaient faits châtiés pour avoir caché leur petite fille natblida à la reine. Mais mâture, Ontari ne l’était pas. On la traitait très bien ici, avec égard, délicatesse, elle était presque gâtée, malgré l’insistance qu’avait mis Nia dans le fait qu’elle ne sorte jamais du palais toute seule.

Rapidement, elle avait rencontré Roan, le fils de la Reine. De dix ans son ainé, Ontari aimait trainer avec lui, apprenant tous les secrets du palais. Fille unique, elle expérimentait pour la première fois le fait d’avoir un grand frère, et grâce à lui, Ontari n’était pas seule.


Elle finit par très vite entendre les bruits qui entouraient cette Costia, prodige ratée, déception de Nia, qui devait rester au palais sans plus avoir le droit d’aller nulle part. Comme Ontari, cette fille là avait l’ordre de ne jamais sortir, mais pas pour les mêmes raisons.

Ontari n’avait pas compris réellement tous les tenants de cette affaire, mais il fallait avouer qu’elle était curieuse. Curieuse de savoir pourquoi un échec aussi gros que celui qu’on lui avait fait comprendre avec elle. Elle avait appris, en écoutant aux portes et dans les couloirs, que Costia était restreinte à une seule aile du palais. Enfin, même moins. Quand elle s’y rendit, elle découvrit un couloir obscur, peu entretenu. Elle savait que de l’autre côté, monnayant un passage entre deux pièces, on pouvait rapidement arriver aux sous-sols et cachots. Des bruits de pas lent lui vinrent, perçant avec un écho le silence assourdissant du corridor, se répercutant sur le haut plafond.

L’ado se mis sur le côté, avant de voir une tignasse blanche, enfin plus tellement blanche, au détour du couloir. Elle marchait lentement, comme un fantôme, et Ontari cacha un sourire. Elle ne comprenait pas pourquoi Nia gardait ça chez elle, mais il fallait avouer que le spectacle était bien amusant.

L’autre fille se rapprochait à allure constante, toujours avec une tête de dépravé. Maintenant sure que ça n’était pas un garde, Ontari sorti de sa cachette et attendit que Costia la dépasse, curieuse.

Finalement, elle arriva -enfin- à la hauteur de la natblida, qui se mit sur son chemin sans que l’autre ne fasse attention. Alors Costia la percuta et Ontari feignit d’étouffer une exclamation de surprise.
L’argentée sembla revenir sur terre et se confondit en excuse inaudible, la tête rentrée dans les épaules, comme un chien battu.

Intérieurement, Ontari se mit à ricaner, mais elle feignit d’être surprise.


Dit-elle avec une petite voix, s’attendant à voir comment réagirait cette fille-là. Elle la détailla, elle ne sentait vraiment pas la rose, ses cheveux étaient en bataille, plus gris que blanc, et sa tête… Holala sa tête ! Elle semblait plus âgée qu’Ontari, mais était bien plus petite. Petit chiot égaré dans un château…

Ontari pencha la tête d’un air compatissant.


« Tu chasses les fantômes ? » se retint-elle de dire, bien que cela la démangeait pas mal. Elle était réellement intriguée par cette petite créature, mais là ça ressemblait plus à une mouche perdue qu’autre chose, Ontari était un peu déçue.