Cette pièce n’était plus que l’ombre d’elle-même. Une pièce que Lo’ak avait toujours du point de vue d’un guerrier, d’un Wanlida assistant à des conseils pour mieux servir leur reine. Mais là, c’était avec un tout autre regard qu’il voyait les lieux, portant désormais le titre de roi. Un titre lourd à porter que lui avaient tout juste conféré les autres guerriers. La veille, ils apprenaient les conséquences de l’invasion de Sheitan, et maintenant il fallait agir. L’homme aguerri savait qu’ils n’avaient pas ce temps de pleurer leur mort et de maudire celui qui avait été la cause de tout cela. D’autant que les découvertes de la veille ne faisaient que les enfoncer dans cette posture qui n’avait pas été la leur. Avec ces prisonniers retrouvés dans le temple, il pouvait paraître difficile de croire en l’innocence de Louwoda. Mais pour cela, il espérait pouvoir compter sur la clairvoyance de la Commandante. C’était entre autres pour cela qu’il était d’ailleurs présent en ces lieux, immédiatement jeté dans le bain qu’était celui d’un roi. Heda demandait à le voir et il était hors de question ne s’y dérobe. Pas alors qu’il fallait aider Louwoda à se relever.

Sa solitude en ces lieux ne dura guère longtemps alors qu’il vit entrer celle qui portait en elle la mémoire des anciens commandants. Avec respect, il l’avait salué d’un mouvement de tête avant de se rapprocher de la table, quittant ses réflexions quant à ses devoirs à venir.

— Salutation Heda.

Les mots de Lexa ravivèrent cet amer goût de défaite qu’avait ressenti le guerrier jusqu’à présent. Louwoda était désormais son peuple, mais cela n’aurait jamais dû être. Jamais ils n’auraient dû ployer face à l’ennemi, mais le Wanlida avait été le mieux placé pour savoir qu’ils n’avaient pas eu le choix. S’il ne savait guère ce que sa prédécesseuse avait pu tenter de faire, lui savait pourquoi il n’avait pu lutter.

— Chaque guerre a ses conséquences, nous ferons de notre mieux pour nous en relever.

Il le faudrait, tout comme ils s’étaient relevés de cette crise instaurée par le roi destitué il y a quelques années. Sauf que cette fois, c’était à lui de le faire et Lo’ak savait qu’il aurait beaucoup à faire. D’autant qu’il lui fallait aussi montrer que Louwoda n’était pas un ennemi.

— Il est tout aussi navrant que Sheitan s’en soit pris à vos guerriers.

Ça aussi, il pouvait comprendre, la colère que cette situation avait créée. Lui-même ne pouvait jurer garder un calme sans pareil si les rôles avaient été inversés. Il avait déjà eu du mal à se contenir lorsqu’il avait pu voir l’asservissement qui leur fut imposé, et lorsqu’il sut pour ceux qui furent envoyés dans les arènes. Il n’y avait que la volonté de vouloir garder sa fille en vie qui l’avait empêché de céder à la moindre pulsion, ne pouvant savoir ce que les Ouskejon réserveraient à ceux restés dans le temple. Mais même s’il le comprenait, il n’appréciait pas que l’on puisse juger les Louwoda comme coupable, alors que leur seul crime avait été de vouloir protéger le symbole de leur foi. Et c’est pour ça qu’il avait apprécié de pouvoir rencontrer la Commandante rapidement après sa nomination de roi, voulant savoir ce qu’il adviendrait d’eux.

Il n’eut pas bien longtemps à attendre avant d’avoir un début de réponse à des interrogations qu’il n’avait encore posées. La mention de la Coalition et du maintien de leur place était rassurante à ses oreilles. Si sa prédécesseuse avait pu faire preuve de méfiance avant de s’ouvrir doucement envers cette alliance, lui n’avait pas été de cet avis. Certes, il ne voulait pas que le secret de leur religion ne s’étende par-delà les frontières, mais leur intégration au sein du Kongeda ne les avait jamais mis à mal quant à ça, bien au contraire. Des guerres avaient trouvé leur fin dans cette alliance, et cela avait un exploit jusqu’alors inégalé – bien que celle-ci ne les avait pas protégés des derniers évènements – et Lo’ak ne pouvait que respecter ce fait. D’autant que cela avait permis des ouvertures afin d’aider le clan à se remettre de sa propre crise civile, et il avait craint que ces derniers jours n’aient scellé leur exclusion de la Coalition.

— Je te remercie de ne pas nous en exclure. Louwoda Klironkru a peut-être parfois été réticent par le passé, mais ce n’est pas un chemin que je compte leur faire suivre. Ton alliance nous rend tous plus forts, seul un idiot penserait pouvoir survivre seul.

Le destin de Sheitan en avait été la preuve. Lui qui s’était cru capable de pouvoir s’élever au-dessus et de briser des serments passés, il n’avait connu que la mort. Alors même si Louwoda avait sa force en la présence des Wanlida et en leur compétence de combattants, Lo’ak n’avait pas cette folie d’esprit de croire qu’ils pourront se relever seul. Une part de lui était agacée par ce fait, mais la raison l’emportait.

— Certains de mes guerriers sont cependant inquiets de ce qui nous est réservé. Je ne pourrais pas défendre les raisons de notre défunte reine quant à son choix de plier face à Ouskejon, j’aurais aimé qu’il en soit autrement. Et nous ne sommes pas dupes. Quel sera le prix à payer pour tout ça.

La patience que pouvait requérir l’indécision n’était pas son fort. Lo’ak le savait et il ne pouvait laisser cette question en suspens. Toute défaite entraînait une conséquence et il n’y avait que Heda qui pourrait le leur imposer. Une défaite, le guerrier n’aimait pas l’utilisation de ce terme, ayant refusé de combattre. Pourtant, celle-ci était bien réelle alors qu’ils n’avaient pas su protéger leurs propres terres.

Il est certain que Lo’ak aurait bien mieux apprécié cet entretien avec la Commandante, si celui-ci découlait de toute autre condition que celles qui l’avaient mené à ce rôle désormais sien. Un rôle qui lui demandait de parler pour les siens et non plus uniquement pour ses guerriers et qu’il n’avait pas forcément convoité. Mais il en était ainsi et, comme le disait la jeune femme dirigeant cette Coalition, les actes de Sheitan étaient inévitables. Un fait qu’il aurait aimé contredire en partie, car s’il ne pouvait agir sur ce qu’il s’était passé à Ouskejon, non, l’invasion de Louwoda aurait pu être évitée, et pourtant. Lorsque e guerrier blond ressassait ce qui était arrivé, il ne cessait d’entrevoir ce qui aurait pu être fait pour l’éviter. Seulement cela ne changerait rien, et ne pouvait en rien amoindrir le poids de cet échec. Tout ce qu’il pouvait affirmer dès lors, c’était ce que lui comptait bien faire pour éviter que ces fâcheux évènements ne puissent se reproduire. Et pour cela, il savait déjà quelle ligne de conduite adopter.

Ainsi, le guerrier ne tourna pas atout du pot, préférant évoquer rapidement sa pensée. Que ce soit à propos de sa propre allégeance au Kongeda ou du besoin de connaître les conséquences, Lo’ak ne comptait pas jouer sur les mots pour sous-entendre quoi que ce soit. Certes, on pourrait lui reprocher de ne pas avoir cherché à savoir ce que les siens apprécieraient de la suite, mais le blond savait qu’il fallait agir vite et de façon juste. Si des réserves se faisaient emmètre par ses guerriers ou d’autres hauts placés parmi Louwoda, il en échangerait en temps et en heure. Mais là, il souhaitait assurer la pérennité de son clan et il savait, au fond de lui, que c’était le mieux à faire. D’autant que, d’un point de vue plus personnel, lui-même ne pouvait dénigrer les apports de cette alliance.

— Les morts ne sont plus et il nous laisse le lourd poids de payer pour eux. J’assumerais ce poids.

Une lourde responsabilité découlant d’une règle universelle pour quiconque prenant la place d’un autre. Et il savait, que le mieux, étaient de coopérer, qu’importe que cela puisse lui plaire ou non. C’était comme lors de la libération des prisonniers, où ils avaient dû faire profil bas face à la Delfikru.

— C’est inévitable.

Lo’ak reprenait les propos de Lexa. Bien sûr qu’ils ne pouvaient inévitablement faire comme si de rien n’était. Certes, il avait eu ses raisons de ne pas se rebeller et de ne pas chercher à mener une résistance - bien qu’une partie de ces hommes n’auraient pu le suivre, mais il n’allait pas lâchement se désister de ce nouveau rôle sous prétexte que c'était leur reine qui avait été la première à ployer.

Il écouta alors avec sérieux les consignes qui lui furent d’abord données. Cet ordre de confiner les Louwoda avait été diffusé dès que celui-ci avait été prononcé. Lo’ak s’en était assuré, refusant que l’on puisse leur reprocher quoi que ce soit d’autre. Bien sûr, cela avait questionné, mais il y avait eu tellement à voir en si peu de temps, que des priorités s’étaient mises en place, permettant une meilleure coopération de tous. Et les raisons évoquées par la Commandante découlaient d’une logique évidente face à toute rébellion. Car si lui savait pour sa propre loyauté et son intégrité, il était loin d’être idiot et soupçonnait fort Sheitan d’avoir eu de l’aide parmi les Louwoda. Or si le guerrier avait horreur de la défaite, il en était bien plus concernant les traîtres. Pourtant, cette décision n’allait pas être des plus plaisante à accepter et à faire accepter à son clan. Lo’ak était loyal, mais il n’aimait pas de savoir des étrangers sur leurs terres. Il comprenait que la confiance avait été rompue et qu’il n’y avait d’autres choix, mais il savait que cela allait très certainement créer des tensions. Louwoda avait ses secrets, principalement son culte dont les détails n’étaient partagés avec personne, et d’avoir cette présence pouvait mettre en lumière ceux-ci. Mais même si une part de son esprit voulait s’y opposer, encore une fois, cette phrase retentait dans son esprit… C’était inévitable. Après tout, lui aussi aurait agi de même s’il avait été face à une telle situation.

—  Ils seront accueillis tels qu’ils doivent l’être, je donnerais des ordres en ce sens. J’espère seulement qu’ils sauront faire preuve de clémence envers les Louwoda ayant été victimes des vices de Sheitan. Tous ne sont pas coupables et certains ont vite tendance à l’oublier.

Là aussi, il ne pouvait que garder à l’esprit ses souvenirs. La colère dont avait fait preuve la guerrière Delfikru – qu’il comprenait – et qui avait été dirigée vers lui. Lo’ak acceptait d’encaisser pour les siens, mais il ne voulait pas voir ceux ayant eu les pieds et poings liés payer alors qu’ils étaient victime. Lui avait été coupable de laisser ses sentiments familiaux prendre le dessus, mais d’autres n’avaient guère eu le choix. Certains avaient payé le prix de leur révolte par leur vie, tandis que d’autres ont été asservis avant de pouvoir dégainer la moindre arme. Et qui sait quels sévices avaient été faits envers leur culte et qui ne seraient certainement jamais dédommagés.

— Mais si je m’aperçois moi-même d’une quelconque traîtrise parmi l’un des miens, je le ferais livrer à vos guerriers. Il en revient à votre jugement pour le bien de la Coalition.

Un énième point où le nouveau roi se sentait obligé d’outrepasser ses envies pour s’assurer d’une bonne coopération. S’il rencontrait un traître, il apprécierait grandement de lui faire payer son acte de sa propre main. Mais justice était réclamée et Louwoda ne pourrait certainement faire valoir la sienne. Un mal qui serait à prendre avec patience, mais qui, il l’espérerait, porterait ses fruits.

— Qu’en sera-t-il des Louwoda présents à Polis ?

Là aussi il y avait une situation complexe à gérer. Aucun messager n’avait pu les avertir de ce qu’ils avaient vécu ces derniers jours, et désormais personne ne pouvait les en avertir, alors que quiconque rentrant prochainement à la capitale pourrait décider de leur faire payer les soi-disant crimes de Louwoda.

Lo’ak ne pouvait que remercier sa formation de guerrier pour l’aider à agir selon ce qu’on attendait de lui. Jamais, il n’avait été préparé à endosser la couronne et jamais il n’aurait cru avoir à le faire. Sa voie était de devenir Wanlida, ce qu’il avait su faire avec force, grimpant les échelons peu à peu. Mais là, c’était une nouvelle voie qui s’ouvrait à lui, l’obligeant à s’adapter et à tenter d’agir comme le ferait un roi. Pourtant, il doutait. Il doutait d’agir comme son peuple l’espérait, bien qu’il tentait de faire au mieux pour limiter les conséquences de leur association avec Sheitan. Certes, il avait connaissance des origines de celles-ci, ayant eu la main forcée, mais pour d’autres, ils n’étaient que des lâches. Sans avoir à l’entendre de la bouche de certains, il se doutait que nombreux étaient ceux le pensant. Lui-même n’avait guère apprécié de devoir se plier à cette décision de leur reine alors qu’il aurait aimé se battre jusqu’au bout. C’était pour ça qu’il avait été formé, pour ça qu’il combattait, mais il n’avait été en rien maître de leur destin dans cette mésaventure. Alors il se pliait aux ordres de la Commandante. Renouvelant la loyauté dont les Louwoda devaient faire preuve en ayant rejoint la Coalition, il acceptait de subir les conséquences qu’il en découlait. Au fond, il n’avait guère le choix, mais il était hors de question que l’ancien guerrier ne s’en plaigne. Bien au contraire, il comptait bien montrer que les siens seraient capables de s’en relever, tout comme ils avaient commencé à le faire par le passé.

Mais malgré l’assurance que le roi montrait, il ne pouvait s’empêcher de penser à certaines conséquences qui pouvaient dépasser tout contrôle. Des représailles dans l’ombre, résultats de menaces voilées ou pleinement assumées, auxquels il aurait habituellement fait face à sa manière, mais cela auraient été mauvais pour les siens. Lo’ak ne pouvait laisser parler certaines pulsions qui l’habitaient et qui permettait de prouver que tous avaient tort de traiter ses guerriers de lâches. Mais si cela lui permettait de calmer sa colère, qui sait les conséquences que cela pouvait entraîner par la suite ? Telle était sa lourde tâche de roi, que de faire le choix entre ce qui était juste et ce qu’il souhaitait.

— La soif de vengeance peut être aisément dissimulée, mais j’ai foi en ton jugement, Heda.

Et Lo’ak espérait qu’il pouvait avoir confiance. Après, il se doutait que si le moindre débordement survenait, cela ne serait pas intentionnel de la part de la Commandante, mais il savait aussi que, dans ce cas, il ne ferait pas taire son envie d’agir. Le guerrier n’allait pas se laisser maltraiter docilement dès lors que certains jugeraient nécessaire de faire valoir leurs propres pulsions, mais cela, il préférait ne pas le dire à haute voix. Surtout s’il souhaitait permettre à cette confiance envolée de revenir peu à peu. C’était de ça dont Louwoda avait besoin, pas d’une guerre sans fin, s’alimentant de la vengeance des uns et des autres.

— Le coût n’est rien face à la trahison. Quiconque aura agi avec Sheitan ne pourra plus être considéré comme un Louwoda, pas après ce que tout cela a causé.

Même si le guerrier aurait préféré pouvoir agir de lui-même, sans avoir de compte à rendre pour trouver les traîtres, il refusait de leur donner le moindre crédit pouvant amener une once de pitié à leur sujet. C’était le fait de savoir que d’autres participeraient à cette chasse qui lui coûtait et non de se dire que certains des siens se retrouveraient à devoir répondre de leurs actes. Car il était loin d’être naïf et de croire qu’aucun Louwoda n’avait fricoté avec l’Ouskejon, bien au contraire. Cela travaillait l’esprit du roi, ne cessant de se demander comment leur défunte reine avait pu plier. Il ne pouvait penser qu’elle-même l’avait fait de plein gré, mais pour que le temple soit pris si facilement, des traîtres avaient eu leur rôle à jouer. Mais qui ? Telle était la question.

Seulement cette l’enquête n’allait pas se limiter uniquement aux frontières de ce clan. Lo’ak n’oubliait pas ses confrères et consœurs se trouvant hors de leurs terres, que ce soit pour des volontés personnelles ou leur mission dédiée à la délégation séjournant à Polis. Ils étaient certainement innocents – du moins dans les pensées du guerrier – et il ne devait en aucun cas les oublier. Mais la réponse de Lexa allait se montrer satisfaisante et le blond ne pouvait qu’approuver cette possibilité de leur laisser le choix. Certes, ils pouvaient ordonner à tous les Louwoda, en dehors de l’ambassadeur, de rentrer le temps que les tensions retombent, mais il estimait que ce n’était pas la meilleure approche.

— Très bien, j’espère que cette affaire se réglera rapidement pour que chacun puisse retrouver la paix.

Trouver la paix et avancer, tels étaient ses objectifs premiers. Mais il ne pourrait les atteindre qu’en permettant de trouver de potentiels traîtres, ce qui permettrait par la suite d’enterrer cette triste histoire. D’ailleurs, Lo’ak comptait bien profiter de son nouveau rôle pour s’assurer que cela ne puisse plus jamais se produire. Que ce soit en renforçant la sécurité du temple ou en s’assurant des intentions de ses guerriers, il refusait que quiconque puisse de nouveau les prendre à la gorge.

Venait alors la question de Lexa quant à ce qu’il pouvait bien avoir eu vent ou non. Il se permit quelques secondes de réflexion, ressassant les souvenirs de sa propre captivité. Certes, moins marquantes que celles de la Trikru et la Delfikru, mais qui ’'avait empêché de faire quoi que ce soit. Et cette question s’avérait légitime, car, s’il n’avait pas participé à la bataille dans la vallée, les explosions s’étaient fait entendre depuis la capitale. Or, il ne connaissait aucun clan capable d’user de tels outils, n’ayant vu que les Skaikru et les Kripakru le faire. Ainsi donc, les soupçons se portaient sur ces derniers qui devaient s’estimer bien chanceux d’être encore en vie.

— Malheureusement, non. Les hommes de Sheitan se gardaient bien de révéler quoi que ce soit devant nous. Et même en jouant les oreilles indiscrètes, je n’ai rien obtenu comme information. Mais je pourrais voir auprès des autres s’ils ont su quoi que ce soit.

Ça l’agaçait de n’avoir rien à donner. Peut-être que ceux qui s’étaient retrouvés dans le temple avaient pu avoir plus d’information, mais il ne le saurait que plus tard. En attendant, il ne pouvait s’empêcher de lui aussi réfléchir aux possibilités, car ça lui semblait fou la vitesse à laquelle Sheitan avait su s’imposer.

— Cependant ça ne peut être qu’eux, à moins que Skairku ait cherché à vous trahir, mais qu’est-ce que ça leur apporterait ? Les Kripas ont été nos ennemis pendant des années, il ne serait pas surprenant qu’ils cherchent à renverser la situation à leur avantage pour retrouver leur puissance d’avant.

Lo’ak n’avait confiance en aucun des deux peuples qui se détachaient de leur culture. Seulement il acceptait de laisser une chance à ceux venus du ciel de par leur tentative d’intégration jusqu’à présent. Mais pour les Kripakru, il refusait de leur laisser la moindre confiance alors qu’ils n’avaient pas encore fait leurs preuves. Il avait eu vent de leur installation dans ce campement qui deviendrait leur village, mais ce n’était rien à ses yeux. Et puis, la meilleure stratégie n’était-elle pas d’endormir la méfiance pour mieux frapper ? Alors oui, lui aussi pensait à eux, ce qui pouvait justifier la prise de confiance de l’Ouskejon et sa facilité à avoir résisté à l’armée de la Coalition. Car sinon, de qui d’autres auraient-ils pu avoir de l’aide ? Si c’était réellement Skaikru, alors cela avait été ingénieux de leur part, mais Lo’ak ne comprenait pas ce qu’ils en gagneraient alors qu’ils semblaient pouvoir vivre en paix sur le territoire Trikru.

Avoir foi dans le jugement de la Commandante était certainement la seule façon pour son peuple de s’en sortir. Il n’aimait pas être dépendant, mais le guerrier savait aussi placer sa loyauté envers les bonnes personnes. Ce n’était pas pour rien qu’il avait refusé de suivre Sheitan lorsque celui-ci avait décidé de prendre le contrôle de Louwoda. Lo’ak avait décidé de placer son jugement dans l’ensemble de la Coalition et non en un esprit rongé par l’envie de puissance qui les aurait menés à leur perte. Et d’ailleurs, il serait impossible pour le blond de laisser vivant quiconque aurait collaboré sciemment avec cet Ouskejon, que ce soit par fierté, ou pour l’honneur de Louwoda. En collaborant, les traîtres avaient mis à mal leur clan et le roi devinait qu’il ne serait pas aisé de rétablir la vérité. Il suffisait de voir comment certains les regardaient, comme il devenait facile de tous les accuser. Lo’ak allait devoir lutter contre ça et agir pour redorer l’image des siens. Comment, il ne le savait pas encore, mais il n’allait certainement pas rechigner à faire exécuter ceux qui avaient pu aider Sheitan.

— Nous saurons les faire parler, ils regretteront de nous avoir trahis.

Sa première action allait être d’aider la Commandante. Faire parler ceux qui seraient capturés, ils ne s’en inquiétaient pas, au contraire. Car s’il réclamait vengeance, il réclamait aussi des réponses et Sheitan étant mort, il ne resterait que ses sbires. Il était alors hors de question que le guerrier laissait la moindre information disparaître dans le néant de la mort et tout ce qu’il recueillerait d’intéressant reviendrait naturellement aux oreilles de la brune qui les commandait tous. En attendant, il ne pouvait guère apporter plus que ce qu’il savait et ne pouvait donc que faire des suppositions concernant ces bombes. Une arme nouvelle alors que, jusqu’à présent, tout ce qui touchait à la science de l’ancien temps revenait aux démons de la Montagne.

Lo’ak écoutait, pensif, la remarque de Lexa concernant les Kripas. Pour lui, l’élimination des démons hostiles ne garantissait pas l’innocence des autres, mais il n’allait pas non plus dans l’accusation complète. Il était d’ailleurs mal placé pour le faire après ces derniers évènements. Mais malgré tout, il ne pouvait pas faire confiance aux Kripas. Ils vivaient trop différemment, ils n’étaient pas comme eux. Les accepter, c’était comme vouloir accepter les frikdreina dans leur société.

— Peut-être que certains ont joué le jeu de l’innocence.

Une idée qui pouvait répondre au tri qui avait été fait, mais pour les armes, Lo’ak n’avait aucune solution quant à la façon dont elles avaient fini là et c’était bien ça le problème. Le guerrier ne savait pas ce que la Commandante prévoyait à ce sujet, mais peut-être allait-il essayer de mener son enquête lui aussi. Certes, la priorité serait à débusquer les Louwoda ayant renié leur propre clan pour s’allier à Sheitan, mais le blond ne comptait pas attendre et se laisser passer la primeur de faire une découverte qui aiderait les siens. Car même si Lexa évoquait que cela pouvait être n’importe qui, les conclusions restaient simples pour Lo’ak : pour manier de telles armes, cela ne pouvait concerner que deux peuples, dont un plus suspect que l’autre.

— Je l’espère aussi. J’enverrais un messager à Polis dès que nous obtiendrons la moindre information qui pourra aider ton enquête.

Il ne pouvait rien faire d’autre de toute façon, à part attendre que les choses se décantent peu à peu. Mais ne rien pouvoir n’allait pas signifier qu’il ne ferait rien alors que, comme il l’avait assuré à la Trikru, il agirait de son côté. Il ne resterait pas à attendre et à subir, comme ils avaient dû subir la prise de pouvoir de Sheitan. Cette erreur que leur défunte reine avait faite, il comptait bien agir pour montrer que justice serait rendue, sans non plus faire blâmer les siens. Et pour ça, il lui faudrait faire ses preuves, ce que prendrait le temps qu’il faudra.