L’été était finalement arrivé, effaçant sur son passage les derniers stigmates de la tempête affreuse qui avait paralysé tout Kongeda durant près d’un mois. De ce passage chaotique, Podakru se relevait bien. Les constructions étaient presque toutes rétablies, les travaux achevés. Il ne restait que quelques petits détails à terminer, et tous les habitants qui avaient trouvés refuge à Oneka avaient pu rentrer chez eux. Les champs vidés de leur culture avaient pour la majorité été irrigués, et des récoltes rapides y avaient été plantés afin de couvrir les besoins de l’hiver. Malheureusement l’année était déjà bin avancée et Costia doutait qu’il y ait suffisamment de nourriture cultivée pour le plein de la saison froide.

Heureusement, ses accords avec ses voisins permettaient, en plus du travail intensif de ses pêcheurs, de garantir une réserve suffisante pour son peuple. Malgré tout elle ne pouvait exiger de pêcher tous les poissons du Lac, aussi énorme soit-il, et viendrait un moment où ses pêcheurs lui diront qu’ils ne pouvaient prendre plus sans risquer d’exterminer les colonies de poissons de ces eaux -là.

Pour palier à ce futur problème, des terrains de chasse avaient été balisés, des collets déposés, et la viande superflue était séchée, Costia espérait que cela suffise, et voir son peuple y mettre tant de cœur à l’ouvrage la satisfaisait grandement. La Khaleesi faisait régulièrement le tour des villages de tout Podakru, préférant s’assurer elle-même du rétablissement de son peuple, plutôt que d’envoyer quelconque messager où émissaire, elle appréciait ces déplacements, auxquels Podakru n’était visiblement pas habitué. Seytenn ne s’était-il donc jamais soucié du bien être des siens ?  Au début de ces pérégrinations, quelques-uns de ses conseillers avaient essayés de lui faire comprendre qu’elle se rendait vulnérable par ces voyages, en effet elle se trouvait rarement à Oneka, et constamment exposée. Si Costia avait entendu leurs arguments avec patience, elle en avait néanmoins assuré qu’elle savait ce qu’elle faisait. La vie avait fait d’elle une Reine alors qu’elle aurait dû mourir depuis plusieurs années déjà, espionne déchue d’Azgeda.  Elle ne voulait pas être de ces reines et de ces rois qui ne connaissaient même pas les visages de son peuple. Certes il lui serait impossible de mémoriser le nom et le visage de chacun des membres du clan, c’était important pour elle de pouvoir les connaitre, et les reconnaitre si un jour ils venaient quémander de l’aide.

Elle était donc rarement à Oneka ces derniers jours, mais le hasard était de son côté, et c’était lors de son retour qu’on lui annonça la venue d’un messager de Floukru. Il prévenait de l’arrivée de Luna, qui demandait une audience un peu plus au sud, non loin de la rive des grands lacs. Costia avait été ravie de cette nouvelle, bien qu’elle ait remercié le messager, lui offrant un repas, avant de le congédier pour qu’il prévienne sa cheffe de son approbation. Il avait un peu plus d’un jour d’avance, ce qui était peu, Luna devait donc déjà être en route, et n’avait pas douté de la réponse de la Khaleesi.

Le messager avait prévenu que Luna n’était pas seule, mais Costia, sur ses terres et confiante, n’emmena que Sygurd avec elle, qui avait insisté pour l’accompagner. L’argentée aurait préféré y aller seule, aussi s’arrangerait-elle pour qu’il ne la colle pas de trop pendant leur discussion. La Khaleesi était curieuse de savoir pourquoi la Floukru demandait ainsi audience. Pendant de longues minutes alors, son Khari-shaak lui avait donc expliqué la honte que Luna avait été pour Podakru. Costia l’avait écouté attentivement, ressentant un dégout plus prononcé pour cet homme.

Elle sut donc de Luna était une Natblida originaire de Podakru, et que la fuite de son conclave avait grandement embarrassé son peuple, qui avait alors tenté de la traquer encore et encore, sans jamais la retrouver. Et la seule chose qui empêchait les guerriers dispersés dans Kongeda de la capturer était son titre de dirigeante d’un clan au sein de la coalition.

Costia s’était tue en serrant les dents, faisant faire silence à son guerrier par la simple froideur de son regard alors qu’il s’emportait dans ses explications de chasse à l’homme qui avait lieu un peu partout à Kongeda, comme cette guérisseuse introuvable. Cette situation ennuyait Costia au plus haut point, non pas que des Podakru se baladent comme des exilés, mais qu’on les traque comme des bêtes…

Le moment du rendez-vous approchant, Costia fit préparer son étalon noir, emballant avec elle du pain et du fromage. Elle ignorait si cela s’avérerait nécessaire, mais cela ne lui coutait rien d’attacher la besace à sa selle. L’endroit où Luna la rejoindrait était à plus d’une heure de galop, mais cela n’arrêta pas Costia. Elle fit galoper son Coureur sans s’attarder sur le fait de savoir si Sygurd, sur son cheval, parvenait à la suivre. Après tout c’est lui qui avait insisté pour l’accompagner, elle n’avait pas garanti qu’elle lui faciliterait la tâche.

Sur les lieux, elle reconnut Luna à sa tignasse de feu entourant son visage comme une crinière rebelle. Si le son du galop de son cheval avait certainement prévenu la Floukru de l’arrivée imminente de la Khaleesi, elle lui tournait le dos quand cette dernière arriva. Semblant plongée dans la contemplation du Lac qui s’étendait à perte de vue en face d’elle.

Costia fit ralentir l’allure de son cheval jusqu’à s’arrêter complètement une dizaine de mètres en contrebas de la berge qui se surélevait à cet endroit. Elle tendit les rênes à Sygurd, lui signifiant par là qu’il n’avait pas intérêt à bouger et qu’il se contenterait de tenir ses deux chevaux.

L’argentée jeta un œil à la délégation qui accompagnait Luna et les salua de la tête, avant de reporter son attention sur son invitée.



De la revoir, surtout en d’autres circonstances que celles de leur première rencontre. Costia afficha un sourire chaleureux à la natblida alors que cette dernière se retournait vers l’argentée qui la rejoint sur le haut de la rive.  En effet, beaucoup de choses avaient changés, était-ce ça la raison de la venue de la cheffe de clan ?


Amorça-t-elle ensuite pour dissiper tout malentendus. Sa phrase, dirigée chaleureusement vers ses invités du jour, leur était tout autant destinée qu’elle l’était à Sygurd, que Costia devinait fulminer intérieurement. Elle avait exigé de lui qu’il ne se fasse pas remarquer et jusqu’à présent, il s’y tenait bien, ce qui contenait la reine suffisamment pour qu’elle ne lui donne pas de mission absurde justifiant qu’il s’en aille.

La natblida s’était retournée face à Costia avec une expression sincère sur le visage. Et si Costia avait l’habitude de feindre ses sourires à tel point qu’ils paraissaient tous plus réalistes les uns que les autres, celui qui fendait son visage en cet instant était tout aussi sincère que l’expression de son invitée.

L’argentée releva un sourcil face aux premiers mots de Luna, confirmant ses propres pensées sur le passif de Podakru avec elle. Si à présent, certes tardivement, elle savait ce qui liait la dirigeante à son peuple, Sygurd la voyant fulminer pendant son rapport ne s’était pas étalé sur les détails. L’ordre de pourchasse avait sans aucun doute été émis par Seytenn durant son règne, et puisqu’aucun contrordre n’avait été donné, les guerriers et les traqueurs avaient, aussi simplement que ça, aussi bêtement que des moutons, poursuivit leur tâche, après tant d’années…

Si la Khaleesi s’était sentie extrêmement fixée au début de l’entretien, cette impression tendit lentement à diminuer, et un regard sur le côté, vers l’escorte de son invitée, lui confirma ce qu’elle pensait. Ils se calmaient. Ce qui n’était pas le cas de son escorte à Costia.

Elle hocha lentement la tête à l’annonce de l’état de Floukru. Costia, concentrée sur tout ce qui l’entourait, ne perçut pas la semi-vérité, ni celle cachée.


Elle n’attendait pas réellement de réaction à cela. Floukru était un jeune clan, qu’elle ne connaissait que très peu encore, et au fond d’elle Costia espérait que cette bonne entente avec Luna lui permettrait de ne pas rester si ignorante à leur sujet, il était toujours intéressant de connaitre ses potentiels alliés. Costia prit alors une grande inspiration pour répondre à la question retournée que Luna lui posa.


Le clan aurait pu être au bord de la famine, mais heureusement, toutes les récoltes n’avaient pas été endommagés, certaines cultures ont pu être sauvées, d’autres avaient été épargnées, et au final si certes le clan manquait cette année par rapport aux précédentes, cela était encore vivable. C’est donc sans aucune once de regrets qu’elle siffla son cheval, qui après que Sigurd eut lâché ses rênes, rejoins sa cavalière.


Alors elle caressa le chanfrein de son coureur, puis ouvrit sa besace attachée à la selle. Elle en sorti les pains qu’elle avait emballé, ainsi que les fromages et se tourna vers l’escorte Floukru tandis que l’étalon retournait à sa place, près du cheval de Sygurd. Costia ignorait où Seytenn avait débusqué un tel cheval, mais sans aucun doute venait il du peuple de l’ouest, si doué avec les chevaux, dresseurs dans les gênes, pour que cet animal soit si confiant, et si intelligent. L’une des rares choses bien que lui ait donné son amant.


Les deux dirigeantes étant en pleine discussion, elle donna le tout à son escorte, qui se chargerait bien d’en garder pour Luna ou non. Costia, après cette interruption, se retourna face à Luna qui, se rendit elle compte avec une gêne bien cachée, n’avait pas fini de parler. Alors elle l’écouta, le plus attentivement possible, et Luna ne perdit pas plus de temps à dévoiler la raison de sa présence.

Luna était donc venue tenter de régler ce problème que Seytenn avait créé. Le visage de Costia s’était fait des plus sérieux à cette annonce, se fermant, découvrant que son bras droit ne lui avait peut-être pas réellement révélé l’ampleur de la chose. Elle devrait mettre son plan à exécution plus tôt que prévu, c’était la seule solution actuellement mais son peuple n’était pas prêt… il lui aurait fallu plus de temps, elle aurait aimé en avoir, elle savait qu’en précipitant les choses, cela les rendrait plus méfiants, moins réceptifs à tout ce que Costia tenterait d’initier chez eux.  Réalisant un peu trop tard que son expression fermée, neutre, puisse porter à confusion dans l’esprit de Luna, la Khaleesi releva le regard vers elle et lui répondit.


Elle ne renvoyait pas Luna chez elle, ou pire encore, elle ne provoquait pas sa mort instantanée sur place. Ho elle aurait pu, elle avait toujours sa lame sur sa cuisse, cachée par le pli de ses robes. Et elle était bien assez proche de la natblida. Luna se rendait-elle seulement compte qu’elle avait une guerrière accomplie en face d’elle ? A vrai dire peut-être pas, même Sygurd l’oubliait souvent, et Costia avait tendance à ne pas user de ce détail à tel point de préférer la discussion. Mais s’il y en avait un actuellement à qui la reine avait envie de jeter son poignard, c’était Sygurd.

Luna avait raison, on ne pouvait rester sur des hypothèses. Il était temps de mettre les choses au clair.

Si son visage restait neutre et fermé, un éclat chaleureux illumina son regard. Sa rancœur n’était pas dirigée contre la femme qu’elle observait. Sa voix, implacable, rompit le silence.


L’homme l’avait sans aucun doute entendu, malgré la dizaine de mètres, malgré que Costia avait simplement haussé le ton pour l’interpeler. Car bientôt le bruit de ses bottes de cuir se rapprochèrent, et Costia sentit sa présence dans son dos. Elle poursuivit, sans attendre de répliques de sa part.


Et elle se fichait du temps qu’elle mettrait à rentrer. Le ton ferme de la reine ne laissa place à aucune réplique, même si elle le sentait bouillonner. Costia se mettait en danger, mais elle n’avait pas le choix. Malgré tout si elle réussissait à passer cette audience, alors le reste serait plus simple. Sygurd, dans le dos de la reine, baissa la tête en signe de compréhension, et sans un regard pour la fille qu’il considérait traitre à sa race, il tourna les talons et enfourcha son cheval gris, avant de démarrer et de filer droit vers la capitale. Costia n’avait encore jamais montré son côté contrarié, mais elle doutait qu’il ne souhaitait pas la voir dans cet état.

Une fois le galop de la monture de son bras droit suffisamment tari, Costia poussa un long soupire et passa sa main sur son visage.


C’était une fragilité certaine dans la direction de Podakru, une faille dans leur structure, dans leur solidité, et donc dans leur force. C’était à ne pas prendre à la légère, mais Costia savait que la délégation Floukru qui accompagnait Luna n’était pas du genre à répandre l’information. Au fond de ses entrailles, la Reine était persuadée pouvoir faire confiance à Luna sur ce point.


Podakru n’était pas appréciée, et si Costia n’avait pas réellement eu le choix de saisir l’unique main qu’on lui tendait, en atterrissant ici, elle avait appris à les aimer, et ne supportait que peu tout ce qu’on pouvait dire de son peuple. Elle savait également qu’au moins la moitié de cette haine était fondée, et que c’était là-dessus qu’elle devrait réaliser le plus de travail. Mais elle savait aussi qu’il lui manquait des informations.


Elle pourrait poser d’autres questions encore, mais peut être Luna allait elle y répondre d’elle-même dans les réponses qu’elle apporterait à Costia. Cette dernière affichait un air déterminé. Elle cachait la crainte que cette précipitation et ses probables conséquences provoquait en elle par la volonté d’aider Luna et les siens.

Les premières inquiétudes de la Floukru firent doucement sourire Costia, qui hocha la tête avant de répondre.


Elle se rendait bien compte qu’une entraide entre Flou et Poda se verrait compliquée, de part la distance qui séparait les deux peuples autant que par l’animosité que pouvait encore ressentir le sien face aux étrangers. Toutefois, tout n’était pas perdu et Costia avait encore de l’espoir pour les siens. Ce fut ce même espoir qui la fit poursuivre.


A vrai dire, Costia doutait fortement trouver des volontaires. Qu’ils ne veuillent pas ou qu’ils n’osent pas à cause de la pression du regard des autres, pouvoir rassembler plus d’un bâtisseur semblait être une tâche ardue, et si elle s’attendait déjà à la réponse de la natblida, la Khaleesi avait ressenti le besoin de le proposer. Elle qui avait vécu ces dernières années dans le besoin avant d’être secourue par Seytenn ne se voyait plus ignorer les aides qu’elle pouvait fournir. À nouveau, Costia hocha la tête face aux mots qui se voulaient rassurants de Luna. Ça n’était qu’un peu de pain, après tout…

Après le départ de Sygurd, la remarque de Luna fit rire Costia, qui sourit tout aussi doucement. C’était vrai, elle s’était imposée et avait gagné un respect de la part de son peuple, chose rare pour une femme à Podakru.


S’il était bien un fait, c’était que la force était extrêmement bien vue à Podakru, et que le Khal était réputé être le plus fort du clan. Seytenn ne dérogeait pas à la règle et quand Costia l’avait provoqué en duel, tous avaient pensé voir la tête de l’argentée voler, et non pas celle du géant…

Puis, Luna lui relata tout ce qu’elle pu dire au sujet de Seytenn, et Costia écouta attentivement, hochant la tête signifiant sa compréhension, n’interrompant pas la Natblida pour l’inciter à poursuivre. De toutes ces informations, elle en connaissait la majorité au final, mais appréciait avoir le point de vue de la principale concernée là où ses soldats n’avaient eu que la vision de Seytenn pour les guider.

Un frère qu’on considérait comme un ennemi… les pensées de Costia se dirigèrent un instant vers Roan, alors qu’elle ne connaissait que trop bien ce sentiment étrange de voir un être apprécié nous détester. Bien que dans le cas de l’argentée, elle était celle qui rêvait de planter une lance dans le cœur de l’héritier. Peut être que sa haine était mal dirigée, c’était un fait en vérité, mais il lui fallait bien trouver un bouc émissaire atteignable pour calmer sa rancœur et sa peine. Et il faudrait certainement beaucoup de temps et de paroles pour que Costia ne nourrisse plus envers son ami d’enfance cette haine viscérale.

Luna fini ses paroles et le silence s’installa. Costia, face à son interlocutrice, avait le regard rivé vers le sol, plongée dans ses réflexions, le visage fermé où les sourcils légèrement froncés indiquaient l’intensité de ce qui se déroulait dans sa tête.

Il y avait encore beaucoup à faire, et Luna avait raison sur plusieurs points. Et cela ennuyait Costia. Elle voulait faire reconnaitre la Floukru comme une cheffe de clan pour les Poda, et non plus comme une traitresse comme elle l’avait évoqué, mais Luna avait raison de croire que les plus anciens ne cesseraient jamais de la voir ainsi, et c’était eux le danger le plus immédiat. La stratégie de la reine n’était pas encore assez solide que pour tenter quelque chose de trop gros de suite, mais ça elle ne pouvait le montrer à la Floukru. Alors elle prit une profonde inspiration et redressa la tête, plantant son regard dans celui de la natblida.


Ses paroles officiellement ne valaient pas grand-chose de plus que ce à quoi Costia avait déjà prêté serment, en attestait la brûlure qu’elle ne cachait pas sur son avant-bras. Mais elle espérait que ces paroles auraient pu rassurer un peu la natblida, car elles étaient sincères. Alors pour affirmer un peu plus ses dire, Costia pris les mains de Luna dans les siennes en un geste qui se voulait rassurant, les serrant pour assurer sa volonté.


Alors elle lâcha ses mains. Cela ne convaincrait pas Luna de remettre les pieds ici en toute sérénité, Costia s’en doutait et se disait même que dès ces annonces faites, il serait plus judicieux pour Luna de se tenir éloignée de Podakru, car cela allait sans doute créer des tensions. Elle avait déjà disséminé un peu partout ses éléments de confiance pour maintenir la fidélité de son peuple et nourrir leur ouverture d’esprit, aussi lent le processus soit-il. Ce que Costia voulait surtout, c’était faire comprendre à Luna que les choses allaient changer. Podakru allait changer, et Costia devait le prouver à beaucoup de monde… Et elle devait le prouver à Lexa, si elle ne voulait pas voir sa fin arriver plus tôt que prévu.

Un sourire sincère éclairait le visage de Costia. Elle était déjà entrée dans l’histoire de la Coalition, ce qui n’était pas une bonne chose vue ce qui y était raconté. Mais l’histoire de Podakru, bien qu’aujourd’hui liée à Kongeda, différait sur autant de points que devenir la première Reine connue était en effet, un acte historique.

Pendant tout son discours, la Khaleesi sentait bien que cela touchait Luna. Cette dernière ne trouvait pas la démarche ridicule, ou n’estimait pas avoir perdu son temps. Le sourire doux mais sincère qu’afficha alors la natblida finit de le démontrer, et Costia se sentit légère pour la première fois depuis longtemps. Pour la première fois depuis longtemps, où quelqu’un d’autre qu’un Podakru lui accordait crédit, lui faisait confiance, et acceptait de l’écouter comme une personne, et non pas comme la traitresse que Nia avait fait d’elle.

Hochant la tête face aux remerciements de Luna, Costia hocha la tête.


Et c’était tout ce qu’elle voulait. Malgré l’échange positif qui se déroulait, elle s’était faite violence pour ne pas afficher le voile de tristesse qui l’avait submergé, lorsqu’elle avait évoqué son propre isolement forcé, le procès qu’elle avait subi sans possibilité de se défendre. Au fond, elle ignorait si Luna connaissait son histoire et son passé avec Lexa. Après tout, les deux femmes s’étaient rencontrées dans des cachots, des barreaux de fer emprisonnant Costia, alors que Luna était encore libre.

Le peu de confiance qu’elle avait eu jusqu’à présent envers l’avenir de Podakru était légitime. A vrai dire, Costia avait atterrit là plus par hasard que par volonté, elle aussi avait entendu ce qu’on disait à propos de ce peuple rustre. Mais maintenant qu’elle était reine, et qu’elle avait appris à vivre avec ces gens, elle les aimait. Mais ça, elle ne le dirait pas à Luna, les choses ne devaient pas toutes être dites.


Costia avait en vérité peu d’espoirs d’être en vie assez longtemps pour voir le changement à Podakru aussi profondément qu’elle aimerait l’appliquer. Tôt ou tard, Lexa trouverait une raison de la faire tuer, Nia la ferait assassiner, ou du moins démarcherait un espion gagner sa confiance comme Costia avait du le faire jadis. Il y avait autant de moyens que possibles de faire exécuter un chef. Le travail de Costia, en plus d’insuffler le vent de ce changement, était de former un digne successeur qui continuerait son travail, et de suffisamment amadouer son peuple pour que la moindre avancée ne soit pas rejetée en bloc à sa mort.


Et son regard se teinta d’un éclat déterminé. Costia croyait en Podakru, c’était un peuple prometteur, il fallait simplement leur donner une chance pour voir toutes les richesses qu’il avait à offrir. Elle lâcha les mains de Luna et regarda vers le Lac. Née dans la nation des glaces et ayant grandis là-bas, Costia avait rarement eu la chance de voir une telle étendue d’eau sans en être gelée par empathie. Les merveilles de ce monde étaient vastes et Poda disposait de tant d’elles.


Parce qu’il était si agréable de discuter avec Luna, que Costia pouvait en oublier tout le poids du passé qui la hantait, et simplement vivre.

Costia appréciait la tournure de la discussion. Si sa volonté de se faire une allié avait motivé la Podakru, au fond, elle était juste contente d’avoir pu converser sans heurt, et sans réelle affliction. Si les tenants de cette entrevue étaient importants, et allaient lourdement influencer son emprise sur son clan, elle ne se sentait malgré tout plus légère. Comme si la discussion avec la cheffe au sang noir s’était fait aussi naturellement que l’on mettait un pied devant l’autre pour marcher.

Au final, Luna comme Costia espéraient modifier le cycle perpétuel qui régissait jusqu’alors les clans entre eux. Le changement ne venait pas seul, et la reine argentée espérait que par sa tentative, elle insuffle dans le cœur des autres dirigeants, ou au moins dans celui de son peuple, cette réelle volonté de changer les choses. Podakru n’avait pas réellement conscience de l’image désastreuse qu’on avait de ses membres. Les guerriers étaient orgueilleux, et pensaient leur renommée attribuée à leur force et leur bravoure, plutôt qu’aux mauvais côté du culte qui dirigeait Poda. Elle l’avait longuement vu. Ils refusaient d’admettre que tout culte avait ses travers, et estimaient que les autres maudissaient le Keithlann parce qu’ils ne comprenaient pas ses bienfaits.

Ho il en avait, des bienfaits. Mais trop de penchants extrêmes ne pouvaient plus être pratiqué aujourd’hui, alors que le clan appartenait à une coalition si vaste et importante que celle de Lexa. Le faire comprendre serait le combat quotidien de Costia. Et elle le commençait en pardonnant à Luna. Aussi, les premières précisions de cette dernières firent sourire la reine argentée, confirmant ses pensées. Les deux cheffes avaient un point de vue similaire sur la question… et c’était une bonne chose.  Aussi, la suite fit flamber une flamme nouvelle dans le regard de l’argentée. Cette femme qui l’avait vu dans une geôle, aussi misérable qu’un cafard que l’on oubliait d’écraser, se tenait aujourd’hui face à elle, d’égale à égale, et ne la considérait pas comme cette erreur que d’autres pouvaient voir. C’était cette conviction, cette intuition profonde que Costia n’était pas jugée pour son passé, mais regardée pour ses actes d’aujourd’hui, qui fit naitre une confiance très certainement inébranlable envers la cheffe Floukru. Jusqu’à présent, c’était la force de ses actes qui avait solidifié Podakru autour d’elle. Elle avait convaincu son peuple de sa capacité à diriger, et de les défendre. Elle ne craignait pas encore une rébellion, et espérait que cette unification qu’elle avait pu apporter au sein des siens feraient plus facilement avaler le vent du changement au peuple de Podakru.

L’offre de Luna fit sourire encore Costia, qui hocha la tête en remerciement, sans répondre pour écouter ce que sa consœur avait encore à dire. En effet, elle lui offrit bien plus qu’une aide matérielle. Il allait sans dire, on ne s’improvisait pas chef du jour au lendemain. Et si jusqu’à présent  Costia s’en sortait plus que bien sachant d’où elle venait, savoir qu’elle pouvait toujours obtenir des conseils aussi sages que ceux de Luna la rassuraient un peu. Il était parfois terrifiant d’avoir autant de pouvoir.

A nouveau, mais d’une manière bien plus douce bien que ferme cette fois, Costia vint serrer le bras de Luna.

Elle était sincère. Plus qu’une cheffe, elle voyait en Luna une amie. Car de tous, elle était la première à ne pas la juger pour ses actes passés.


Et qu’elle fasse exécuter quiconque mettrait cette alliance en péril.